Nous avions parlé de « reconquête expresse », eh bien ! La chute de la capitale afghane, ce dimanche, confirme notre prévision.
En effet, dès lors que Joe Biden a dit clairement qu’il allait retirer ses troupes et que les afghans devaient se battre pour eux-mêmes, la déroute du régime Ghani était inévitable.
C’est la facilité et la rapidité de la conquête des talibans qui a surpris, y compris Biden lui-même qui tablait sur plusieurs semaines.
Il n’avait pas obtenu de ses services le bon briefing sur l’état réel des forces en présence.
D’un côté 300 000 soldats de l’armée régulière et 75000 talibans, certes ; mais des « réguliers » en retard de salaires, sans volonté, sans conviction, sans courage.
La stricte vérité est que le processus de « construction de la nation afghane » est encore en pointillés. Le pays est composé de tribus aux intérêts qui convergent rarement.
En 20 ans de présence, les Américains n’ont pas réussi à « faire naître une nation ». Ce qui n’était pas leur objectif.
Ils étaient venus pour punir Ben Laden et ses affidés qui avaient assassiné 3000 personnes sur le sol américain, avec les attentats du 11 septembre 2001.
Cette mission a été un succès : défaite des talibans, et de Al Qaida, avec la chasse à l’homme contre Ben Laden qui finira par être abattu.
Mais, la présence prolongée sur le sol afghan a été une impasse politique et militaire.
C’est pourquoi Trump avait décidé de retirer les soldats et de dialoguer avec les talibans.
Successeur de Trump, Biden a validé la même approche, à juste raison car l’addition devenait trop salée avec plus de 2000 morts et 1000 milliards de dollars dépensés.
Nul ne peut comprendre une présence massive de troupes, sans aucune perspective politique entre Talibans et une classe politique hétéroclite, minée par la corruption.
On peut cependant reprocher à Biden d’avoir parlé trop vite et de manière brutale.
Ses propos ont eu le mérite de la sincérité, tout en poussant les faux patriotes soldats afghans à choisir la désertion et la fuite.
Les Talibans n’ont presque pas rencontré de résistance dans les provinces et ont vite encerclé la capitale Kaboul.
Les négociations qui continuent à Doha, au Qatar, expliquent le ralentissement de leurs convois jusqu’à la fuite du président Ghani qui leur a laissé la place.
Sans coup férir, les vaincus d’il y a 20 ans, ont retrouvé le pouvoir et se sont installés au Palais présidentiel à Kaboul.
Tandis que les Occidentaux, Américains en tête, se sont retranchés à l’aéroport pour évacuer leurs ressortissants… Sans être attaqués !
Les Talibans, pour le moment, ont le triomphe modeste.
Pour les premières conclusions concernant cette déroute du régime civil afghan, il faut reconnaître que personne ne peut se battre à la place d’un peuple qui n’en a ni envie, ni volonté.
L’engagement ne peut être par procuration.
Il faut donc que les Occidentaux comprennent qu’il y a des pays où leur vision du monde ne permet pas de « gagner les cœurs et les esprits ».
Les « droits des femmes » sont certes à promouvoir, mais en tenant compte des spécificités sociales et culturelles.
« Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités », dixit De Gaulle ; et le fait d’ignorer cette réalité explique les échecs récurrents des britanniques, des russes et des américains en Afghanistan.
Le peuple afghan n’a pas été converti en 20 ans de présence américaine, 10 ans de présence russe et beaucoup plus encore de colonisation britannique.
D’aucuns estiment que Biden aurait pu pérenniser la présence militaire américaine en Afghanistan, comme c’est le cas en Allemagne, et au Japon, depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Ils oublient de préciser que dans ces deux cas, la majorité du peuple est convertie au régime démocratique et que le niveau de développement économique est exceptionnel.
Il y a aussi la zone démilitarisée entre les deux Corées, où la présence militaire américaine est soutenue par une grande majorité de coréens du Sud, un pays développé et acquis à la démocratie.
En Afghanistan, le contexte est différent et la volonté de la majorité différente.
Si les afghans démocrates veulent changer la donne, ils devront faire la critique des armes et agir à découvert.