Alors que l’Afrique se profile comme un continent d’avenir avec une population qui pourrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, les relations entre les États-Unis et l’Afrique semblent stagner. Malgré le potentiel économique, démographique et stratégique de l’Afrique, les États-Unis peinent à redéfinir une politique étrangère forte et engagée envers le continent, indépendamment du futur président américain, qu’il s’agisse de Donald Trump ou de Kamala Harris. À travers une analyse poussée, les journalistes d’Afrique Confidentielle nous éclairent sur cette relation complexe et souvent négligée.

 

Les États-Unis et l’Afrique : une relation marquée par des périodes de négligence

Historiquement, l’Afrique a occupé une place oscillante dans la politique américaine. Pendant la Guerre froide, le continent africain était considéré comme un terrain stratégique de premier plan dans la lutte idéologique contre l’Union soviétique. Plusieurs guerres par procuration y ont eu lieu, souvent avec des ramifications profondes pour les pays concernés. Mais une fois la Guerre froide terminée, l’Afrique est largement passée au second plan des priorités américaines. Le soutien humanitaire, notamment à travers l’USAID, s’est poursuivi, mais sans grande coordination stratégique.

Aujourd’hui, alors que les États-Unis se concentrent davantage sur l’Europe de l’Est, l’Asie-Pacifique et le Moyen-Orient, l’Afrique semble rester dans l’ombre. En 2023, les États-Unis ont alloué près de 95 milliards de dollars à l’aide étrangère, mais une majeure partie de cette somme était destinée à l’Ukraine, à Israël et à Gaza, avec une fraction seulement allouée à l’Afrique. Pourtant, le continent continue d’avoir besoin de soutien, notamment pour son infrastructure en pleine expansion, son développement économique et ses besoins de sécurité.

 

La bataille des infrastructures : un domaine largement dominé par la Chine

L’Afrique a un besoin massif en infrastructures. Selon la Banque africaine de développement, il faudrait entre 130 et 170 milliards de dollars par an pour combler le déficit infrastructurel du continent. Pourtant, les États-Unis n’ont contribué que 297 millions de dollars aux projets d’infrastructure en Afrique en 2018, bien loin des 25,7 milliards de dollars investis par la Chine la même année dans le cadre de son Initiative “la Ceinture et la Route” (BRI).

La Chine, qui est aujourd’hui omniprésente sur le continent, finance des routes, des ponts, des chemins de fer et des ports à un rythme qui surpasse largement celui des États-Unis. En réalité, plus de la moitié des projets d’infrastructure en Afrique sont attribués à des entreprises chinoises. Cependant, cette présence n’est pas sans controverse. Des voix s’élèvent sur la transparence et la durabilité de ces accords. Selon les journalistes d’Afrique Confidentielle, ce modèle chinois suscite un vif débat, car il pourrait entraîner une dépendance économique des pays africains envers Pékin.

AGOA : un programme américain en perte de vitesse ?

L’African Growth and Opportunity Act (AGOA) est l’un des rares programmes américains spécifiquement destinés à l’Afrique. Créé en 2000, il offre un accès en franchise de droits au marché américain pour plus de 1 800 produits africains. Cependant, avec son expiration prévue en 2025, de nombreuses questions se posent sur son avenir. Malgré ses avantages, l’AGOA n’a pas eu l’impact escompté sur le commerce entre l’Afrique et les États-Unis. En 2021, les échanges commerciaux entre les deux parties s’élevaient à seulement 44,9 milliards de dollars, bien loin des 254,3 milliards de dollars de commerce entre l’Afrique et la Chine.

En octobre 2023, le président Joe Biden a exclu plusieurs pays africains de l’AGOA, dont l’Ouganda, la République centrafricaine, le Gabon et le Niger, en raison de violations graves des droits de l’homme. Cette décision rappelle celle de Donald Trump en 2018, lorsqu’il avait suspendu le Rwanda pour avoir interdit les vêtements de seconde main en provenance des États-Unis afin de stimuler son industrie textile locale. La question se pose : l’AGOA est-il réellement conçu pour favoriser le développement africain, ou pour protéger certains intérêts économiques américains ?

 

Kamala Harris et Donald Trump : deux visions, une même indifférence ?

Kamala Harris, fille de parents jamaïcain et indien, a des liens personnels avec le continent africain. Lors de sa visite en 2023 au Ghana, en Tanzanie et en Zambie, elle a promis de promouvoir l’accès au numérique pour un milliard de personnes d’ici 2030. Pourtant, cette initiative reste modeste en comparaison des investissements chinois en Afrique. En dépit de ses liens personnels et de ses engagements, beaucoup doutent que Harris, même en tant que présidente, pourrait bouleverser la relation entre les États-Unis et l’Afrique.

Quant à Donald Trump, sa politique “America First” a été claire dès le début : l’aide américaine devrait être prioritairement dirigée vers des “amis et alliés”. Ses projets de réduction de l’aide au développement, en particulier pour l’Afrique, reflétaient son approche peu coopérative. En 2018, il avait suscité une vive polémique avec ses propos controversés sur les “pays de merde”, visant notamment des nations africaines. Si Trump venait à être réélu, il est probable que son administration continuerait à restreindre l’aide au continent africain.

 

États-Unis, Chine et Russie : une rivalité accrue sur le continent africain

Au-delà des États-Unis et de la Chine, un autre acteur cherche à étendre son influence en Afrique : la Russie. Depuis plusieurs années, le groupe Wagner, une organisation paramilitaire aujourd’hui intégrée à l’armée russe, opère dans de nombreux pays africains, renforçant ainsi la présence de Moscou. Face à cet accroissement de la présence russe et chinoise, les États-Unis semblent en retrait. Les analystes d’Afrique Confidentielle rappellent que ni Joe Biden ni Donald Trump n’ont effectué de visite officielle en Afrique durant leurs mandats, tandis que, depuis 30 ans, chaque ministre chinois des Affaires étrangères fait sa première visite annuelle en Afrique.

Cette tendance révèle une indifférence marquée des présidents américains, quel que soit leur parti politique. Malgré quelques initiatives sporadiques, comme le PEPFAR sous George W. Bush pour lutter contre le VIH/SIDA, les États-Unis n’ont pas réussi à construire un partenariat stratégique stable et cohérent avec l’Afrique.

 

L’avenir des relations États-Unis-Afrique : une réforme nécessaire mais incertaine

À l’heure où l’Afrique connaît une croissance démographique et économique rapide, les États-Unis risquent de se voir supplantés par la Chine et la Russie si aucune réforme de leur politique étrangère n’est engagée. Le continent africain est stratégique, non seulement pour ses ressources naturelles, mais aussi pour son potentiel humain. Les enjeux en matière de sécurité, de commerce et de développement rendent crucial un partenariat solide et durable avec les nations africaines.

Pourtant, comme l’indiquent les analystes d’Afrique Confidentielle, les priorités américaines restent concentrées sur d’autres régions. L’Ukraine, le Moyen-Orient et l’Asie dominent l’agenda des décideurs américains, laissant peu de place pour l’Afrique. “L’Afrique semble être le continent oublié des États-Unis”, concluent les experts d’Afrique Confidentielle, résumant une réalité qui pourrait encore s’aggraver.

En définitive, peu importe le vainqueur des prochaines élections américaines, les relations entre les États-Unis et l’Afrique risquent de rester au second plan. Le “siècle africain” pourrait bien se dérouler sans le soutien des États-Unis, à moins d’une prise de conscience forte des enjeux africains dans la stratégie américaine. Pour l’heure, les belles promesses ne semblent être que des paroles en l’air, incapables de contrer l’influence croissante de la Chine et de la Russie sur le continent africain.

Par les Analystes d’AfriqueConfidentielle