La pandémie du coronavirus est entrain de mettre en exergue les inégalités criardes et révoltantes qui caractérisent la société américaine. Les chiffres prouvent incontestablement que les Noirs et les Latinos, populations parmi les plus pauvres du pays, sont plus durement frappées par la pandémie dans tous les Etats de la Fédération.
Le taux de mortalité élevé de ces couches est lié à des conditions de vie difficiles dans un pays capitaliste où les inégalités sociales sont extrêmes et permettent que certains vivent dans un luxe indécent lorsque d’autres croupissent dans des ghettos, ont peu de chances d’accéder à l’enseignement supérieur et ne peuvent occuper des postes de travail rémunérateurs.
Ces gens-là, la majorité des Noirs et des Latinos constituent un prolétariat taillable et corvéable à merci, sans protection sanitaire véritable. L’OBAMACARE avait sorti 30 millions d’américains de l’enfer du manque d’assurance maladie.
La vérité est que des millions de citoyens, dans le pays le plus puissant économiquement et militairement du monde, vivent dans des conditions exécrables et sont en proie aux maladies chroniques comme l ‘obésité, le diabète, la tension artérielle etc.
Ce sont ces maladies chroniques qui expliquent grandement pour quoi les « populations de couleurs », les « naufragés du rêve américain » sont les plus grandes victimes du coronavirus. Le virus attaque des organismes déjà affaiblis et dont le système immunitaire est entamé. La solution à cette tragédie, causée par des décennies, voire des siècles d’exploitation économique et de marginalisation sociale, va exiger une action politique d’envergure en faveur de l’égalité économique et sur une longue durée.
On peut espérer que le choc des milliers de morts du coronavirus (plus de 20 000 ce jour et le décompte macabre continue) va susciter une prise de conscience salutaire. Il est permis de rêver ! Mais il y a d’autres contradictions qui sont révélées par la pandémie, qui jettent une certaine lumière sur les relations de pouvoir entre le gouvernement fédéral et les Etats
C’est ainsi que Trump qui affirme vouloir décider de la « réouverture du pays » devra s’accorder avec les gouverneurs. Ce sont ces derniers qui ont le vrai pouvoir de décision, dans ce domaine, même si Trump peut les bloquer et porter l’affaire au niveau de la Cour Suprême où il a toutes les chances d’imposer son point de vue, dans la mesure où il y dispose d’une majorité de juges acquise à sa cause.
Il y a aussi les tensions constatées entre gouverneurs et maires et qu’illustre la sortie du maire de New-York DiBlasio pour annoncer la « fermeture des écoles pour le reste de l’année académique » et qui a été démenti par le gouverneur de l’Etat de New-York, Andrew Cuomo qui a affirmé qu’une telle décision n’avait pas encore été prise. Et qu’elle dépendait de lui.
Le problème est que les USA compte 50 Etats et des territoires rattachés où de nombreux pouvoirs locaux cohabitent. C’est ainsi que tous les Etats n’ont pas encore imposé le confinement qui « varie » d’un Etat à l’autre, en ce moment. Pourtant la riposte contre le coronavirus doit être coordonnée et concernée l’ensemble du pays, pour être efficace.
Les USA sont devenus le pays le plus touché qui compte et le plus grand nombre de personnes contaminées (524,903 au moment où ces lignes sont écrites) et le plus grand nombre de morts (20,389 à l’heure actuelle). Et les chiffres progressent à un rythme effrayant, même s’il y a une lueur d’espoir avec le nombre d’hospitalisations qui baisse, notamment à New York qui est l’épicentre de la pandémie.
Des experts affirment que la « courbe est entrain de s’aplatir et/ou d’amorcer une pente descendante » mais ajoutent qu’il urge de maintenir le confinement et le respect des règles de distanciation sociale. Pour le moment l’espoir réside dans le respect scrupuleux du confinement et de la distanciation sociale. La Chine a montré la voie et son exemple est probant. L’équation est la pression des milieux économiques désespérés de voir la situation empirer pour leur business et l’économie mondiale en général.
Trump est très sensible à leur discours qui pousse à « rouvrir le pays » et il y a intérêt pour préserver ses chances de gagner les élections présidentielles de novembre. Si le confinement perdure et que l’économie continue de s’écrouler, la courbe du chômage de grimper et le désespoir de gagner les populations, ses rêves de deuxième mandat pourraient aboutir à un cauchemar.
C’est pourquoi il semble obligé de tout faire pour précipiter la fin du confinement, d’une manière ou d’une autre. Si le nombre de morts et/ou de contamination baisse, de manière significative, alors il n’hésitera pas. Mais, ce sont les gouverneurs qui auront la main légalement. Trump peut faire pression sur ceux d’entre eux qui sont républicains, et même les autres, en les opposant aux travailleurs.
En effet ces derniers acceptent le confinement mais plus il dure, plus ils vont souffrir dans leur porte-monnaie, si on peut dire. Le chômage de masse qui a commencé (plus de 16 millions de chômeurs déclarés déjà) est aussi une contradiction difficile à gérer dans une société de consommation, avec des ménages dont la situation est précaire, financièrement parlant.
Au fond, cette pandémie met l’Amérique en face d’elle même et lui montre ce qu’elle s’ingénie à ne pas voir : l’extrême misère dans un pays extrêmement riche. Un pays qui vend le rêve et, est obligé de recevoir la gifle de la réalité pas si belle à voir.
A y voir de plus près, ce pays est né dans les contradictions :la quête de liberté religieuse des pèlerins du Mayflower, les massacres des Indiens des Plaines et d’ailleurs, la conquête sanglante de l’Ouest, le boom économique, les immigrations massives, et, auparavant l’esclavage des Noirs, la guerre de sécession, les lois Jim Crow, le combat pour les droits civiques, la déségrégation qui continue aujourd’hui. Malgré la présidence Obama et les immenses progrès réalisés.
L’Amérique n’est toujours pas au rendez-vous de ses promesses de liberté, d’égalité, de patriotisme et d’opportunité pour tous Sa contradiction principale est d’affirmer le choix de la liberté dans l’égalité et d’avoir bâti un système fondamentalement inégalitaire. Cette inégalité est dans l’ADN économique de tout système capitaliste.
Qu’il puisse être atténué par des lois sociales et la Démocratie, oui et non. Oui, parce qu’il (ce système permet l’avènement de Obama), non parce qu’il ne lui permet pas de changer la nature du système. Et, dans ce cas précis, Trump fait tout pour détricoter les acquis imposés par son prédécesseur.
Pour l’Histoire, Obama avait fait un discours prémonitoire en 2014, au National Institute of Health. Il affirmait : « il est plus que probable que le temps viendra où une maladie infectieuse et hautement mortelle arrivera. Et, pour la combattre efficacement nous devons mettre en place une infrastructure, pas juste ici aux Etats-Unis, mais de manière générale, qui nous permettra de l’isoler rapidement, de la comprendre rapidement et d’y répondre rapidement ».
Ces paroles prémonitoires ont été oubliées. Pire, Trump s’est mis à moquer la Chine quand a commencé la pandémie et lorsque les USA ont été frappés, le pays n’était pas prêt à faire face. Il ne l’est toujours pas! Il fait du rattrapage en pleine crise et cela explique aussi l’hécatombe en cours. Il faut espérer que les contradictions inhérentes à la société américaine puissent couver aussi l’antidote qui lui permet de résoudre ses problèmes.
L’humanité ne se pose que les questions qu’elle peut résoudre, dit Karl Marx.
Mais qui lit Marx aux Etats-Unis ?