
La France traverse aujourd’hui une période de profondes turbulences politiques et économiques. Le clivage entre la gauche, la droite et l’extrême droite paralyse le processus législatif, affectant la stabilité du pays et sa capacité à répondre efficacement aux défis économiques et sociaux urgents.
Cette situation rappelle, à bien des égards, les crises majeures des années 1930, 1940 et 1950, qui avaient menacé la cohésion de l’État français. Cependant, à ces époques, la France pouvait compter sur des dirigeants visionnaires, animés par un réel sens de la réforme et du courage politique.
Ainsi, Léon Blum, face aux violentes émeutes du 6 février 1934, sut restaurer l’ordre républicain et préserver la démocratie. Quant au général Charles de Gaulle, il sauva la France à deux reprises : d’abord de l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, puis d’une possible guerre civile lors de la crise politique de 1958 liée à l’Algérie.
La différence essentielle entre ces périodes et la crise actuelle réside dans la qualité de la vision politique. Autrefois, les dirigeants savaient diagnostiquer les problèmes, identifier les failles du système et proposer des solutions concrètes. Aujourd’hui, la classe politique semble dépourvue de cette capacité d’analyse et de réforme.
Au lieu de s’attaquer aux causes profondes de la dégradation économique et sociale, elle se concentre sur des sujets secondaires, ignorant les questions fondamentales : le chômage, la dette publique croissante et la perte de compétitivité. Cette carence de vision a conduit à l’affaiblissement de l’économie française et à la dégradation de sa note souveraine.
Le manque de clairvoyance des présidents récents illustre cette dérive.
Sous François Hollande, les priorités ont été détournées vers des débats sociétaux, au détriment des réformes économiques. L’exemple du « mariage pour tous » — qu’il érigea en priorité politique — symbolise cette confusion des priorités.
Quant à la droite, elle n’a pas su incarner une alternative crédible, minée par les scandales et le manque de vision réformiste : de Nicolas Sarkozy à François Fillon, plusieurs figures ont été éclaboussées par des affaires de corruption, ouvrant la voie à l’émergence d’un candidat « hors système », Emmanuel Macron.
Cependant, le mandat de ce dernier n’a pas apporté la rupture promise. Les revendications profondes exprimées par le mouvement des Gilets jaunes n’ont pas trouvé de réponses structurelles. La dette publique a atteint un niveau sans précédent, sans que des réformes de fond ne soient mises en œuvre.
Dans le même temps, des mesures sociétales controversées, notamment autour des questions de genre, ont suscité un vif débat : l’État a soutenu des politiques de transition de genre dès le primaire, parfois sans le consentement des parents, tout en continuant de refuser la prise en charge d’opérations médicales nécessaires pour certaines maladies chroniques.
Cette contradiction illustre la perte de repères idéologiques et moraux d’une partie de la classe politique.
À cela s’ajoute un glissement inquiétant des valeurs républicaines.
Les idéaux de Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité et Démocratie semblent aujourd’hui instrumentalisés pour séduire l’électorat d’extrême droite, dont la popularité croît à mesure que se banalisent les discours xénophobes.
Les médias, censés éclairer le débat public, participent souvent à cette polarisation : la majorité des programmes se focalisent sur deux thématiques — l’immigration et l’islam — au détriment d’une information équilibrée et d’un débat de fond sur les véritables défis du pays.
Cette dérive a des répercussions internationales.
De nombreux pays africains, lassés des postures paternalistes et des relents de la « Françafrique », prennent désormais leurs distances vis-à-vis de Paris. L’image de la France, autrefois perçue comme un partenaire privilégié du continent, s’est ternie à cause d’une politique étrangère perçue comme arrogante et déconnectée des réalités africaines.
La France saura-t-elle tirer les leçons de ses erreurs accumulées ?
Saura-t-elle renouer avec l’esprit visionnaire de Blum ou de De Gaulle ?
Tout dépendra de sa capacité à réinventer une politique intérieure et internationale lucide, capable de s’adapter aux mutations géopolitiques mondiales et de restaurer la confiance du peuple dans ses institutions.
Par le Dr. Mohamed Elhaj Mahmoud Taleb
Théologien, spécialiste de la langue et de la civilisation arabo-islamiques – Expert en études diplomatiques et stratégiques















