La capitale sénégalaise, Dakar, a vécu un samedi particulièrement bruyant avec un grand rassemblement annoncé à grand renfort de publicité, et une tentative de « contre-meeting » bloquée par les forces de l’ordre après une interdiction préfectorale.

Sonko, Premier ministre du Sénégal, a fait foule, mais son discours n’a pas marqué les esprits par sa pertinence ni par les « révélations explosives » qu’il avait laissées entendre en faisant la promotion de son « Tera-meeting ».

Tout le monde l’attendait sur la crise au sommet de l’État — entre lui et le président Diomaye Faye — mais rien de substantiel n’a été dit : « Une rupture est possible, mais ce qui pourrait y conduire ne viendra jamais de moi, et ne viendra pas non plus de Diomaye » (traduction).

Si tel est le cas, pourquoi tout ce branle-bas de combat qui a poussé le président de l’Assemblée nationale à jouer publiquement les pompiers, en appelant au calme et au dialogue entre les deux têtes de l’exécutif ?

Il n’est pas le seul. Ce qui était un secret de Polichinelle est devenu un feu de brousse avec les sorties du ministre de l’Environnement, Abdourahmane Diouf, qui a pris ses responsabilités pour appeler à la fin de la politique « de vengeance, de haine et d’arrestations intempestives », et pour préconiser la réconciliation et le pardon.

Sonko et ses affidés, se sachant visés, ont sorti la grosse artillerie contre Diouf.

Ce dernier a aussi été la cible de Sonko lors du meeting, tout comme Aminata Touré, dite Mimi, avec qui il entretient un lourd contentieux datant de la dernière campagne des législatives.

L’ex-Première ministre avait franchi le Rubicon du commentaire sur l’« affaire Sweet Beauté », en disant qu’elle n’avait pas le « cahier de rendez-vous de l’établissement ».

On pouvait penser qu’avec le ralliement de Mimi Touré à Pastef lors des présidentielles, et sa nomination au poste de « Haut représentant du président de la République », la paix des braves était actée.

L’attaque violente de Sonko démontre qu’il n’en est rien.

Même s’il s’est bien gardé de citer des noms, il s’est arrangé pour que tout le monde sache qu’il s’agissait bien de Diouf et de Touré.

Peut-être parce que les accusations portées sont trop lourdes et que la prudence s’impose.

Cette prudence n’a pas été de mise lorsque Sonko a déclaré haut et fort que tous ceux qui niaient l’existence de la « dette cachée » devaient être jetés en prison.

Un Premier ministre ne doit pas dire cela, car il n’est pas juge.

Faute d’éclaircir l’état de ses relations avec le chef de l’État, il a choisi de cibler l’institution judiciaire qu’il faut « nettoyer ». Un Premier ministre ne devrait pas, non plus, dire une telle énormité.

Car c’est bien cette justice qui a imposé la tenue des élections présidentielles à bonne date et validé la candidature de Diomaye (mais pas la sienne).

C’est sans doute ce qui explique la dent qu’il a contre les magistrats, notamment ceux de la Cour suprême, qu’il a nommément attaqués — sans doute pour se venger du rejet de son « rabat d’arrêt », déconvenue qu’ils lui ont infligée et dont il ne s’est toujours pas relevé

Le Tera-meeting a aussi été un grand moment d’amnésie concernant, par exemple, les « baisses du prix de l’électricité, du carburant et du gaz » annoncées par Sonko, alors que la délégation du FMI était encore à Dakar, en train de négocier avec le gouvernement.

Au Tera-meeting, il y avait tellement de choses qu’il a oublié, sciemment.

Il y a des promesses risquées, même si Sonko est habitué à semer des promesses comme d’autres sèment le vent.

Les foules n’ont pas de mémoire, et Sonko en a une très sélective.

Que retenir donc de ce psychodrame ? Qu’il a permis de brasser beaucoup de vent, de jeter quelques-uns en pâture, d’esquiver les vrais sujets et de donner rendez-vous aux militants-talibés à la prochaine rencontre, avec la « présence de Diomaye », Sonko dixit.

Mais c’est mercredi, jour du prochain Conseil des ministres, qui devrait attirer l’attention : on verra si Abdourahmane Diouf et Mimi Touré seront écartés ou non.

Le problème, c’est que Sonko a décrété qu’il prenait quinze jours de congé, une décision surprenante « validée » par le communiqué du Conseil des ministres.

À défaut d’avoir entendu des propos pertinents, des réflexions invitant au débat ou des appels à l’unité — dans une région où notre plus grand partenaire économique, le Mali, est au bord du chaos —, nous avons écouté un Premier ministre fustiger la justice, vouer aux gémonies deux membres de son équipe gouvernementale et annoncer leur éviction prochaine.

Aucun mot sur la manière de sortir de la situation économique catastrophique qui asphyxie le pays.

« Il faut encore se serrer la ceinture pendant deux ou trois ans », a-t-il sorti de sa besace à promesses.

La foule, elle, n’a pas bien entendu.

L’opposition a programmé une conférence de presse cet après-midi.

On peut parier qu’elle appuiera là où cela fait mal : deux ans d’échec et aucune perspective de sortie de crise.

Jusqu’ici, rien n’a été signé avec le FMI.

Sonko a affirmé qu’il refusait la restructuration de la dette du Sénégal, sans pour autant proposer la moindre solution alternative.