Après un début triomphal, où Bassirou Diomaye Faye enchaînait les voyages comme des trophées — Moscou, Pékin, Dubaï, Paris — Son agenda global s’est transformé en château hanté : plein de mystère, peu de présence… et beaucoup de silence. Dernier épisode en date ? Sa nonchalance manifeste face au sommet sur les océans tenu à Nice (première conférence maritime ONU en France depuis 2015), réunissant 63 chefs d’État. Le président a préféré snober l’événement, contournant avec application toute forme de diplomatie sérieuse.
Comment expliquer cette indigence soudaine ? Le Sénégal dispose pourtant d’un tréfonds maritime de 700 km, organise la pêche de 400 000 tonnes de poissons par an, exploite pétrole et gaz offshore, et a vu jaillir une manne Blue Economy prometteuse. Ajoutez-y sa position géostratégique, à la pointe occidentale du continent, idéale pour les navires militaires et le commerce maritime… Le pays aurait pu bramer sur la scène internationale. Il a choisi le silence.
Ce sommet avait tout pour être un triomphe diplomatique sénégalais. Y défiler auraient pu souligner les ravages du pillage halieutique et la prédation du farwest maritime, amplifier la voix de l’Afrique face aux chalutages destructeurs, aux tankers pollueurs, voire lancer un appel à la mise en œuvre stricte du traité protégeant la haute mer. L’absence du Sénégal ressemble à une honteuse dérive du populisme souverainiste : un gouvernement qui déclare sa liberté, mais fuit la moindre contrainte.
Pendant que la France tente d’arracher les 60 ratifications nécessaires au traité, malgré le retrait des ÉtatsUnis, et que le Costa Rica réclamait 100 milliards de dollars pour la conservation marine, notre duo exécutif Faye–Sonko s’est brillamment abstenu . Une stratégie silencieuse qui se résume à : « ne rien dire, ne rien faire, partir en silence ». En un symbole frappant : la France a décidé de restreindre le chalutage de fond dans quelques zones marines protégées — une mesure qualifiée de timide par les ONG — pendant que le Sénégal, lui, restait totalement absent.
Le message est clair : les « calculs politiciens » de ce tandem tragi-comiques priment sur toute vision à long terme. Le souverainisme, ô combien en vogue, devient un mot creux si celui qui le clame se soustrait au rendez-vous où l’avenir maritime se dessine. Les richesses minières et halieutiques que recèle l’océan ne se conquièrent pas avec des tweets ou des promesses électorales, mais avec un minimum de présence aux tables de négociation.
Ousmane Sonko, le Premier ministre, n’est pas en reste. Ce sinistre représentant improvise le coup d’État constitutionnel permanent : il menace les institutions pour échapper à une motion de censure, fait planer la chasse aux anciens dignitaires — dissident ou pas — et renie son rôle de facilitateur d’unité nationale. Résultat ? Les partenaires attendent, la dette s’accumule, le FMI suspend le décaissement de 250 millions de dollars, l’arbitrage contre Woodside sur Sangomar pèse 62,5 millions d’euros, et l’exécutif semble frappé d’amnésie.
Car tant qu’à fuir la diplomatie océanique, pourquoi ne pas nier aussi la tragédie migratoire ? En septembre, Faye promettait une traque « sans répit » contre les passeurs et appelait aux jeunes à « ne plus céder à l’illusion » de l’Europe. Plus tard ? Un silence assourdissant, comme s’il s’agissait simplement de beaux effets de manche post-électoraux. On assume un souverainisme de salon tout en pillant les ressources publiques.
Sonko, sémillant dans l’opposition jusqu’à son arrivée au pouvoir, est aujourd’hui l’incarnation de l’éléphant de marbre : énorme sur le papier, inexistant sur la scène internationale. Il parle fort, menace les fonctionnaires, brandit des menaces judiciaires, mais ne défend aucune cause concrète. L’écologie marine, le développement, la protection des populations… Quelque chose de tangible, quoi ! Rien. Son silence vaut approbation tacite.
L’ironie ? Pendant qu’à Nice on discute d’un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes, de la ratification d’accords contre la pollution plastique et la pêche illégale, le Sénégal dort à la maison. Un pays maritime absent désigne un pouvoir arrogant. Voilà le message adressé à ses partenaires : « Les gisements de pétrole, les zones de pêche, notre position stratégique… ça vous intéresse encore ? » Apparemment, la réponse est « plutôt non »
Le bilan est rude : ce sommet aurait pu être un réveil, un dévoilement de la force sénégalaise. Il devient une humiliation. Les plages françaises applaudissent l’élan océanique, pendant que Dakar chantonne le blues du renoncement. Les dirigeants foulent le tapis rouge niçois, pendant que Faye s’enferme dans l’ombre, à l’abri des regards, nourrissant fantasmes et calculs politiciens. Sonko, en guise de grand spectacle, distribue les menaces, menaçant jusqu’à la justice elle-même, mais jamais la République.
La leçon ? Les océans — 70 % de l’univers, les poumons bleus de la planète — attendent des acteurs sérieux. Les pharaons autoproclamés du souverainisme, eux, regardent ailleurs. Tant qu’ils seront aux abonnés absents, le Sénégal restera un géant aux pieds d’argile, un État maritime en chambre, si pas timide, au moins démissionnaire.