La visite du Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, en Chine, présentée comme une « visite officielle » pour renforcer la coopération bilatérale, soulève de sérieuses questions. En réalité, cette tournée s’apparente davantage à un forum économique organisé par l’APIX (Agence pour la Promotion des Investissements et des Grands Travaux), une structure sénégalaise, et non par le gouvernement chinois .
Le forum, tenu à Hangzhou, a certes abouti à la signature de plusieurs protocoles d’accord dans les secteurs de l’industrie, du logement et des transports . Cependant, la nature de l’événement – une rencontre entre investisseurs chinois et opérateurs économiques sénégalais – laisse perplexe quant au caractère « officiel » de cette visite.
Imaginons qu’une agence libanaise organise un forum économique à Dakar et que le Premier ministre libanais vienne le présider en rencontrant des commerçants libanais et sénégalais. Serait-ce considéré comme une visite d’État ? Probablement pas. Pourtant, c’est exactement le schéma observé ici.
Alors que le gouvernement Sonko ne cesse de marteler que l’économie sénégalaise est à genoux , cette visite en Chine, avec une délégation pléthorique, des billets d’avion en classe affaires, des frais d’hôtel luxueux et des perdiems généreux, apparaît comme une provocation envers les Sénégalais qui subissent au quotidien les effets des restrictions budgétaires .
Pire encore, cette mission intervient quelques mois seulement après la publication d’une circulaire par Sonko lui-même, visant à rationaliser les dépenses publiques liées aux voyages officiels.
Parmi les mesures annoncées :
– Limitation des délégations à 3 personnes maximum (sauf dérogation) .
– Interdiction des financements privés pour les missions de l’État .
– Réduction des indemnités journalières (pourtant fixées à 250 000 FCFA pour l’Asie) .
Combien de membres composent la délégation actuelle en Chine ? Quels sont les coûts réels de ce déplacement ? Le gouvernement refuse, pour l’instant, de communiquer ces chiffres.
Il est frappant de constater le silence assourdissant des figures habituellement critiques – universitaires, journalistes d’investigation, organisations de la société civile – face à ce qui ressemble à une dérive des dépenses publiques.
Pendant des années, ces mêmes voix dénonçaient les voyages dispendieux des gouvernements précédents. Aujourd’hui, alors que Sonko reproduit les mêmes schémas sous couvert decoopération économique, peu osent remettre en question cette opération.
Si la volonté d’attirer des investissements chinois est légitime, la méthode employée interroge. Le Sénégal a-t-il vraiment besoin d’une telle démonstration de force pour convaincre des partenaires économiques ?
Les Sénégalais méritent des réponses claires :
1. Quel est le budget exact de cette visite ?
2. Combien de personnes composent la délégation ?
3. Pourquoi l’APIX, et non le gouvernement chinois, est-elle l’organisatrice principale ?
En attendant, cette visite ressemble moins à une avancée diplomatique qu’à une promenade coûteuse, financée par un État qui, paradoxalement, appelle à la rigueur budgétaire.
La balle est désormais dans le camp des médias et de la société civile : continueront-ils à fermer les yeux ?