Les politiques qui avaient boycotté le dialogue proposé et organisé le 28 mai par le nouveau régime ne regrettent pas leur choix. Car jusqu’ici, cet événement — qui a certes été marqué par des discours de vérité — n’a encore abouti à rien de tangible.
Le duo Diomaye/Sonko semble freiner des quatre fers pour produire un document final,
qui permettrait une dernière discussion en vue d’un texte de synthèse pouvant déboucher sur un consensus, ou, à défaut, sur des accords « sectoriels ».
Le régime ne se presse pas du tout et continue d’agir comme bon lui semble sur la question essentielle des libertés individuelles, de la liberté des manifestations démocratiques, et de l’abrogation des lois liberticides comme celle de l’article 80 du code pénal : un fourre-tout qui permet de condamner tout individu qu’un écart de langage ferait glisser dans le « trou » de l’offense au chef de l’État.
Il est très curieux que les opposants d’hier — à savoir Diomaye et Sonko, qui ont toujours dénoncé cette loi — refusent aujourd’hui de la remettre en cause, maintenant qu’ils assument le pouvoir.
Les temps changent. Les convictions de circonstance, aussi.
C’est cette attitude caméléonne et politicienne qui rebute et éloigne les opposants les plus rigoristes et désabusés : Thierno Alassane Sall, Pape Djibril Fall, Bougane Gueye, entre autres. Sans oublier les membres de l’APR, la formation de l’ex-président Macky Sall, qui ont rejeté l’appel au dialogue.
Les premiers n’ont aucune confiance envers les nouvelles autorités, et les seconds, victimes de harcèlements permanents, se sont radicalisés.
Les plus sceptiques, qui attendent néanmoins les conclusions du dialogue, donnent une dernière chance au pouvoir avant de lui tourner le dos définitivement… si jamais la montagne accouche d’une souris.
Parier sur un triomphe du dialogue, dans ce contexte chargé, est risqué.
Et ce, d’autant que la situation économique est morose et l’atmosphère sociale lourde.
La fête de fin du Ramadan, comme celle de la Tabaski, a été célébrée dans une ambiance maussade, dans un Sénégal très loin d’être festif.
Comment l’être quand les prisons ne désemplissent pas, et que les colonnes des journaux sont surchargées de mauvaises nouvelles : accusations, arrestations, chasse aux sorcières… autant de pratiques qui se substituent à toute action politique efficace.
Le régime poursuit sa fuite en avant d’emprunteur invétéré, qui, chaque mois, fait son marché au niveau de l’UEMOA.
Pour faire face à ses besoins mensuels de dépenses incompressibles : salaires, bourses des étudiants, intérêts de la dette, etc.
On est dans le cercle vicieux du « soul bouki, souli bouki » — traduction non garantie : « on enterre une hyène pour déterrer une hyène ».
Quand les critiques fusent, les répondeurs automatiques du régime font des tirs de barrage avec des argumentaires qui font sourire.
La question est de savoir : jusqu’à quand ce poker menteur va-t-il continuer ?
Et que fera le FMI, qui pour l’instant campe sur une position ferme, écartant tout décaissement, voire toute reprise de programme avec le Sénégal ?
Une situation qui bloque la continuation — et même le démarrage — de nombreux projets d’infrastructures.
C’est un gâchis !