Une tempête politique secoue les plus hautes sphères du pouvoir sénégalais. Selon des informations exclusives obtenues par notre rédaction, les relations entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko auraient atteint un point de non-retour, plongeant le pays dans une crise institutionnelle sans précédent depuis leur accession conjointe au pouvoir en mars 2024.

La crise latente aurait éclaté au grand jour à l’occasion d’un projet de remaniement ministériel. Selon une source haut placée au sein du cercle rapproché des deux dirigeants, le président Diomaye aurait demandé à son Premier ministre de lui soumettre des propositions pour un réajustement du gouvernement. Une demande qui intervient dans un contexte où les critiques sur les performances de certains ministres se font de plus en plus insistantes, tant dans les cercles politiques que dans l’opinion publique .

Mais c’est la liste présentée par Ousmane Sonko qui aurait jeté un froid définitif entre les deux hommes. Le chef du gouvernement aurait en effet proposé d’écarter systématiquement toutes les personnalités réputées proches du président, pour les remplacer par ses propres fidèles. Parmi les têtes tombantes figuraient notamment Ousmane Diagne, le ministre de la Justice, et Cheikh Diba, aux Finances – deux portefeuilles stratégiques .

« Flairant le piège, Diomaye a opposé un veto catégorique », nous confie notre source. Une décision qui aurait profondément irrité le Premier ministre, privé de ce qui aurait constitué une mainmise totale sur deux leviers essentiels du pouvoir : la justice et les finances publiques.

La tension latente aurait atteint son paroxysme avec le récent verdict des chambres réunies de la Cour suprême dans l’affaire de diffamation opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang. Le Premier ministre aurait immédiatement soupçonné le président Diomaye – ou à tout le moins son ministre de la Justice – d’être derrière cette décision défavorable .

Dans un communiqué cinglant, le Front pour la Défense de la République (FDR) avait d’ailleurs dénoncé les attaques « inacceptables » du chef du gouvernement contre les magistrats de la Cour suprême, qualifiés de « corrompus ». Le collectif avait rappelé qu' »en démocratie mature, la mise en examen, l’inculpation ou, à plus forte raison, la condamnation définitive d’un homme politique occupant certaines positions, a fortiori d’un chef de Gouvernement, devrait entraîner sa démission automatique » .

Selon nos informations, la rupture serait désormais consommée. Notre source au sein de l’exécutif affirme qu' »il ne serait pas surprenant de voir Sonko démissionner avec fracas de toutes ses charges gouvernementales ». Une décision qui s’inscrirait dans une stratégie à plus long terme : préparer le terrain pour l’élection présidentielle de 2029.

Le leader du PASTEF envisagerait même de participer aux prochaines élections locales pour « mesurer sa popularité » – un test grandeur nature avant la grande échéance nationale. Une manœuvre risquée, alors que plusieurs observateurs notent un net recul de l’aura de Sonko dans l’opinion publique, minée par ses « dérives langagières et comportementales » répétées.

Reste une question cruciale : le président Diomaye laissera-t-il faire ? Élu avec une forte légitimité populaire, le chef de l’État dispose d’un atout majeur face à son turbulent Premier ministre : les Sénégalais ont massivement voté pour lui, et non pour Sonko, lors de la présidentielle de 2024.

La situation rappelle étrangement les tensions qui avaient marqué la fin du mandat de l’ancien président Macky Sall, aujourd’hui confronté à des poursuites judiciaires pour malversations présumées dans la gestion des fonds anti-Covid . Ironie de l’histoire, c’est désormais le camp qui promettait une « rupture » totale avec les pratiques du passé qui semble reproduire les mêmes schémas de division au sommet de l’État.

Alors que le gouvernement Sonko célébrait récemment sa première année d’existence avec une large majorité à l’Assemblée nationale (130 sièges sur 165) , cette crise ouverte vient rappeler que les équilibres politiques restent fragiles. Les prochains jours seront décisifs pour l’avenir du Sénégal, entre scénario de la rupture totale et recherche d’un compromis in extremis. Une chose est sûre : le torchon brûle désormais au grand jour entre les deux têtes de l’exécutif, et toute l’Afrique a les yeux rivés sur Dakar.