À Madagascar, l’histoire semble se répéter. L’armée a annoncé mardi avoir pris le pouvoir, actant ainsi la chute du président Andry Rajoelina, destitué par un vote massif de l’Assemblée nationale. Ce dernier, contesté depuis plusieurs semaines, aurait quitté le pays, tandis que la rue célébrait ce qui s’apparente à un nouveau coup d’État militaire dans la Grande Île.

C’est le colonel Michael Randrianirina, chef de la Capsat — une unité militaire déjà au cœur du putsch de 2009 — qui a proclamé la dissolution du Sénat et de la Haute Cour constitutionnelle, tout en maintenant l’Assemblée nationale. Devant le palais présidentiel d’Antananarivo, il a déclaré que « l’armée, la gendarmerie et la police nationale assureront la transition », annonçant la création d’un comité mixte chargé des fonctions présidentielles avant la formation d’un gouvernement civil.

Le président déchu, retranché à l’étranger selon plusieurs sources, a dénoncé une « réunion dépourvue de toute base légale » après la décision du Parlement. Quelques heures plus tôt, Andry Rajoelina avait lui-même dissous l’Assemblée, dans une ultime tentative pour conserver le pouvoir. D’après la radio française RFI, il aurait été exfiltré dimanche par un avion militaire français.

Élu en 2018, puis réélu en 2023 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, Rajoelina avait déjà accédé au pouvoir une première fois en 2009 à la faveur d’un soulèvement soutenu par l’armée. Mais depuis le 25 septembre dernier, la colère populaire a pris une ampleur inédite, portée par un collectif de jeunes baptisé Gen Z, rapidement rejoint par des syndicats et des fonctionnaires en grève. Au moins 22 personnes ont été tuées et une centaine blessées au début des manifestations, selon les Nations unies.

Les militaires, initialement chargés de réprimer le mouvement, ont fini par rejoindre les protestataires, inversant le rapport de force. En soutenant la rue, la Capsat et la gendarmerie ont précipité la chute du régime. « On en a assez, tout est corrompu à Madagascar. On veut un vrai changement de système », confiait à l’AFP Koloina Rakotomavonirina, un ingénieur de 26 ans présent dans les cortèges.

Le colonel Randrianirina a par ailleurs annoncé la suspension de la Constitution, plongeant le pays dans une nouvelle période de transition militaire. L’incertitude reste totale sur la suite politique du processus, tandis que la population, frappée par une pauvreté endémique — plus de 80 % des 32 millions d’habitants vivent avec moins de 15.000 ariary par jour, soit 2,80 euros — espère un véritable tournant après des décennies d’instabilité.

Madagascar, déjà marqué par plusieurs coups d’État depuis son indépendance, entre ainsi dans une nouvelle phase de turbulence politique dont l’issue reste imprévisible.