CEDEAO

Le 21 septembre 2025, les Guinéens seront invités à se prononcer sur une nouvelle Constitution, fruit d’un travail mené sous l’égide du général Mamadi Doumbouya. Ce texte, présenté fin juin à Conakry, prévoit des transformations institutionnelles majeures: un Sénat, une Haute Cour de justice chargée, notamment, de juger le chef de l’État et les ministres, un mandat présidentiel étendu à sept ans renouvelables, ainsi que des mesures de parité visant 30 % de femmes aux postes électifs. L’objectif proclamé est de bâtir un cadre institutionnel stable, capable d’accompagner efficacement les réformes économiques et sociales.

Le projet constitutionnel suit une logique assumée de refondation étatique : diffusé sur les chaînes nationales après avoir été remis au président de la transition en juin, il prétend être le fruit d’une large consultation, structurée autour de débats citoyens, d’apports d’experts et relayée par des relais institutionnels . Selon les autorités, cette démarche participe d’un retour à l’ordre constitutionnel, plus de trois ans après le coup d’État de septembre 2021. Le référendum doit ouvrir la voie non seulement à de nouveaux textes, mais aussi à des élections générales d’ici à fin 2025, avec l’organisation d’une présidentielle et de législatives .

Parmi les innovations, l’instauration d’un Sénat, dont un tiers des membres seraient nommés par le président, vise à créer un second cercle de réflexion au sein du Parlement. De même, la haute cour veut offrir des garanties de responsabilité, notamment pour les actes des hauts responsables. L’allongement du mandat présidentiel à sept ans s’explique par les partisans comme une mesure pragmatique : réduire la fréquence des scrutins permettrait d’allouer davantage de ressources financières et administratives à des projets de long terme.

Ces arguments économiques et institutionnels sont jugés, notamment par la junte, comme parfaitement cohérents dans un contexte où les échéances électorales imposeraient des ruptures fréquentes dans les politiques publiques. En situant le mandat présidentiel à quatorze ans pour un maximum deux mandats, le cadre garantit également une continuité potentielle en faveur d’un projet national global .

Cependant, des interrogations demeurent. Le projet ne contient aucun encadrement limitatif sur la candidature de Mamadi Doumbouya, alors qu’il exerçait depuis la charte de 2021 un rôle interdit aux membres de la transition, notamment la participation à des élections. Cette levée de l’interdiction annonce clairement la possibilité pour lui de briguer la magistrature suprême . En pratique, ce choix institutionnel pourrait ouvrir à une candidature jugée légitime par ses partisans, malgré les engagements pris.

La mise en place de la Direction générale des élections (DGE), dépendant du ministère de l’Administration, suscite également des avis contrastés. Cette structure remplace la CENI et prend en charge l’organisation du référendum, la gestion du fichier électoral ainsi que la sécurisation des scrutins. Ses promoteurs estiment qu’une institution étatique renforce la coordination et l’efficacité du processus. Mais certains partis d’opposition et organisations de la société civile redoutent que cette institution, contrôlée par l’exécutif, n’empiète sur la neutralité attendue d’un organe électoral indépendant.

De plus, le cadre constitutionnel instaure des critères d’inéligibilité ciblés : toute personne de plus de 80 ans ou résident à l’étranger est exclue d’office. Cette mesure vise à exclure les anciens présidents comme Alpha Condé, exilé à 87 ans, et des figures de l’opposition en exil, comme Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré. En parallèle, plusieurs opposants font face à des restrictions administratives : le ministère a bloqué la tenue du congrès du principal parti d’opposition, tandis que d’autres figures politiques sont empêchées d’exercer pleinement leurs activités .

L’environnement pluraliste semble ainsi mis à l’épreuve. Si les autorités défendent une réduction du terrain des conflits et visent une gouvernance stable, les détracteurs redoutent une fenêtre fermée à une compétition réellement ouverte. Les restrictions à liberté de la presse, sommations des médias indépendants et cas d’arrestations inquiètent les défenseurs des droits, qui dénoncent une « chape de plomb » pesant sur les voix dissidentes .

Pour soutenir leurs réformes, les autorités ont mis en avant un bilan tangible en matière sociale : gratuité de soins pour les retraités, construction d’infrastructures routières et baisse des prix du carburant, initiatives perçues comme populaires et concrètes, dans un pays confronté à un niveau de vie modeste . Ce contraste entre réformes visibles et encadrements légaux plus stricts contribue à forger une image partagée d’une transition double : à la fois modernisatrice et encadrée.

Sur le plan régional et international, le processus a déclenché un intérêt mitigé. L’ECOWAS, ainsi que des observateurs internationaux, ont salué la tenue d’un référendum comme une étape positive, tout en demandant des garanties de transparence . Les partenaires extérieurs – France en tête, mais aussi la Russie – suivent la trajectoire pragmatique de la Guinée, entre préoccupations démocratiques et coopération stratégique.

Le scrutin de septembre apparaîtra comme un moment charnière : validé, le nouveau texte pourrait permettre la tenue d’une présidentielle dans les mois suivant le référendum, et concrétiser un chemin planifié vers un régime politique stable, au prix d’un encadrement institutionnel très centralisé. La qualité du débat public, la capacité des médias à couvrir les campagnes et la participation active de l’ensemble des forces politiques constitueront les vrais marqueurs de légitimité du processus.

Définitive, cette séquence constitutionnelle, volontairement structurée et riche en avancées institutionnelles, s’inscrit dans une double logique : celle de la continuité d’un pouvoir qui se veut modernisateur, et celle de la nécessaire réassurance démocratique. Si le processus transforme effectivement l’échiquier politique guinéen, l’équilibre entre stabilité et ouverture compétitive restera déterminant pour juger de sa profondeur.