À Vienne, le 17 juin 2025, la Mauritanie a obtenu un engagement de 2 milliards de dollars de la part du Arab Coordination Group (ACG) pour soutenir son programme national de développement 2025–2030, portant notamment sur l’énergie, l’eau, le transport et le digital. Ce n’est pas un show médiatique : pas de vidéos virales, pas de diplomatie du mégaphone, juste un discours posé du Président Ghazouani exposant, projet par projet, une stratégie claire accompagnée d’un mécanisme de coordination précis pour assurer suivi et exécution rigoureuse. Ce calme discret, cette parole crédible, ont suffi à convaincre dix institutions arabes majeures de s’engager. Les bailleurs savent désormais que Nouakchott n’est pas là pour faire du bruit, mais pour livrer des résultats tangibles, avec la promesse de performance sur des infrastructures essentielles, de l’hybridation des centrales thermiques au développement des corridors routiers et à la modernisation numérique .

En miroir, à Dakar, la situation est tout autre. En moins d’un an, le Sénégal a dû procéder à une trentaine de levées de fonds sur le marché régional à des taux élevés et sur des maturités courtes, une stratégie qui révèle un véritable isolement croissant dans les circuits financiers internationaux . Tandis que les eurobonds sénégalais glissent à des niveaux alarmants, les marchés s’inquiètent, et l’IMF souligne que les efforts pour publier des chiffres consolidés sont longs et incertains . Le climat est tendu : les titres en dollars du Sénégal sont actuellement les pires en Afrique, avec une dépréciation de 11,5 % depuis janvier.

Plus grave encore, la nouvelle administration a visiblement orchestré un jeu politique destiné à faire porter le chapeau de ses difficultés à l’ancien président Macky Sall. Sous couvert d’un soi-disant audit, elle a révélé un déficit désormais présenté comme « mal estimé », passant de 74 % à près de 100 % du PIB, ce qui a servi de justification à la suspension du programme du FMI d’environ 1,8 milliard de dollars. Le plus frappant demeure le report de la publication des rapports trimestriels au 23 juin 2025. Officiellement motivé par le souhait de garantir la fiabilité des données, ce délai s’apparente surtout à une manœuvre dilatoire, alimentant la défiance des investisseurs et aggravant l’incertitude financière.

Le contraste est frappant : là où Nouakchott inspire, Dakar panique. La diplomatie économique ne s’improvise pas. Elle exige planification, rigueur, stabilité et transparence. Or, à Dakar, chaque emprunt devient une mesure d’urgence, chaque retard un indice d’incompétence. Pendant que le Président Ghazouani construit une trajectoire crédible, les autorités sénégalaises engagent des financements à court terme pour masquer une fuite en avant. Les taux élevés – souvent à 8 % pour le moyen terme et 10 % pour le long terme – pèsent lourd sur les finances publiques, détournant des ressources désormais prélevées sur les infrastructures, la santé et le numérique .

Le tandem Sonko–Faye, dont la communication tonitruante et les annonces médiatiques ne masquent plus l’amateurisme économique, risque de creuser l’écart avec Nouakchott. Le Sénégal, riche pourtant en pétrole et gaz, continue de vendre du doute là où la Mauritanie, plus parcimonieuse dans l’effusion, vend de la confiance. À force de courir après des financements à taux prohibitifs, de retarder les audits et de tergiverser sur les réformes urgentes exigées par le FMI, le Sénégal déclenche des alertes plus qu’il ne rassure .

Les bailleurs arabes ont montré qu’ils étaient prêts à embarquer si l’on proposait une vision, une exécution sérieuse et un reporting fiable. Le Sénégal a pourtant des atouts similaires géographiques, ressources naturelles et potentiel de croissance. Mais il lui manque la rigueur administrative, la stabilité politique perçue, la parole crédible. Gouverner, ce n’est pas faire du bruit, c’est convaincre calmement. Or le bruit autour du tandem Sonko–Faye ne rassure personne. Plus les délais traînent, plus les taux grimpent, plus l’isolement financier s’installe. L’IMF est clair : réforme fiscale, suppression des subventions injustifiées, consolidation budgétaire… tout cela attend depuis des mois .

Pendant ce temps, en Mauritanie, les premiers appels d’offres pourraient être lancés dès la rentrée, les contrats attribués avant l’hiver, les chantiers démarrés au printemps, avec des indicateurs clairs et publiés. De l’autre côté, à Dakar, on s’achemine vers une annonce de programmes de réforme… sans calendrier précis. Cette dictature du chiffre qui manque se paie cash : chaque emprunt court terme à taux élevés est une dette sur l’avenir, un risque sur la crédibilité, une fuite en avant.

L’ironie est d’autant plus amère qu’il ne s’agit pas de deux ambitions opposées : les deux pays aspirent à l’émergence, à la modernité, à un développement inclusif. Mais la différence se joue sur la méthode : la Mauritanie avance en silence, sur la base d’une stratégie documentée et d’un partenariat coordonné, la tête froide, le pas assuré. Le Sénégal, lui, hurle les résultats qu’il n’a pas, envoie des signaux contradictoires, multiplie les coups de com’, les annonces tonitruantes, tout en s’opposant aux exigences de transparence. À la fin, quand les marchés regardent, c’est bien la parole tenue qui compte, pas la parole clamée.

Sans tambour, ni trompette, la Mauritanie encaisse. Pendant ce temps, le Sénégal emprunte… à des conditions de plus en plus douloureuses. Le temps presse pour que Dakar change de partition : il lui faut passer du spectacle au réalisme, de l’émotion au programme, de l’improvisation au plan. Gouverner, ce n’est pas parler fort, c’est convaincre et livrer.