Sous-financée et confrontée à une multiplication des crises humanitaires, l’Organisation des Nations unies a annoncé une réduction majeure de son aide d’urgence. Pour le continent africain, où des dizaines de millions de personnes dépendent de cette assistance vitale, cette décision représente une menace directe pour la stabilité sociale, sanitaire et alimentaire.

L’agence onusienne chargée de la coordination de l’aide humanitaire (OCHA) a indiqué que seuls 29 milliards de dollars seront disponibles en 2025, sur les 44 milliards initialement requis. Résultat : seuls 114 millions de personnes parmi les plus vulnérables dans le monde bénéficieront d’une aide, contre 180 millions espérés. Et l’Afrique, où se concentrent plusieurs des crises les plus aiguës de la planète, figure parmi les régions les plus touchées par cette coupe budgétaire.

Une réduction de financement sans précédent

À la moitié de l’année, à peine 13 % des besoins sont couverts — soit 5,6 milliards de dollars récoltés. La raison principale : le retrait massif des États-Unis de plusieurs programmes internationaux d’aide humanitaire, dans le cadre d’un recentrage de leur politique étrangère. Ancien pilier du système humanitaire global, Washington était le principal bailleur de fonds d’institutions comme l’UNICEF, le Programme alimentaire mondial (PAM), ou encore le Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme.

Mais la décision américaine n’est pas isolée. Plusieurs pays donateurs européens, eux aussi confrontés à des contraintes budgétaires internes et à des priorités sécuritaires ou migratoires, ont diminué leur soutien. Le résultat est un effet domino sur l’ensemble des mécanismes d’aide d’urgence.

En Afrique, une aide réduite dans un contexte d’aggravation

Alors que les besoins ne cessent de croître en Afrique, l’aide humanitaire diminue dangereusement. Le Soudan, déchiré par une guerre civile, enregistre une flambée de la faim. 25 millions de personnes y sont menacées, selon les dernières données croisées du PAM et de la FAO. Le Mali, le Soudan du Sud, la République démocratique du Congo, ou encore le Burkina Faso, sont également classés comme zones à risque élevé de famine.

Ces pays partagent un triste dénominateur commun : conflits armés, instabilité politique, dérèglement climatique et effondrement des services de base. Sans aide extérieure suffisante, les programmes de nutrition, de vaccination, d’eau potable ou encore de scolarisation sont à l’arrêt.

 Une catastrophe sanitaire en perspective

Outre la faim, l’impact se fait ressentir dans les systèmes de santé. En Afrique australe, des campagnes de traitement du VIH sont déjà suspendues. Des ONG partenaires du Fonds mondial alertent sur l’absence de traitements antirétroviraux dans certaines cliniques du Zimbabwe et du Lesotho. Au Nigéria, la couverture vaccinale des enfants a chuté de plus de 30 % en six mois, faute de logistique et de coordination.

Le PAM rappelle que ces coupes budgétaires ne sont pas abstraites : elles se traduisent par des vies perdues, des enfants déscolarisés, des mères sans soins prénataux, des réfugiés sans abri.

Des arbitrages douloureux, une logique de survie

Face à cette situation, l’ONU s’est résolue à hiérarchiser les priorités selon une nouvelle échelle des besoins humanitaires. Seules les zones classées en niveau 4 ou 5 — celles correspondant à des situations extrêmes, voire catastrophiques — continueront à bénéficier d’une aide relativement stable.

Tom Fletcher, directeur de l’OCHA, résume ainsi la situation : « Nous avons été contraints de faire un tri dans la survie humaine. Ce sont des choix déchirants, mais nous devons sauver ce que nous pouvons avec ce que nous avons. »

Un appel à la conscience internationale

La frustration est palpable chez les acteurs humanitaires. « Ce que nous demandons représente à peine 1 % des dépenses militaires mondiales de l’an dernier », rappelle Fletcher. Et d’ajouter : « Ce n’est pas seulement une question de budget, c’est une question de responsabilité morale. » Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, met en garde contre les effets politiques de cette crise : « La réduction de nos moyens donne du réconfort aux dictatures et aux régimes autoritaires. »

Pour Cindy McCain, directrice du PAM, « sans financement ni accès, nous ne pouvons pas sauver des vies ». Un cri d’alarme récurrent, lancé aussi par les représentants de l’UNICEF, du HCR ou de l’OMS, confrontés à des reports ou annulations de programmes.


Focus – Les pays africains les plus impactés

Pays Population affectée Nature de la crise
Soudan 25 millions Conflit armé, famine imminente
Soudan du Sud 7,7 millions Crise alimentaire, inondations
Mali 5 millions Insécurité, effondrement de l’État
RDC 6,9 millions Déplacement interne massif
Zimbabwe 4,5 millions Recul des soins de santé VIH
Burkina Faso 3 millions Violence terroriste, famine localisée

Et maintenant ?

Alors que de nouveaux conflits émergent, que le climat accentue les sécheresses et que les économies locales sont asphyxiées, le recul de l’aide humanitaire fragilise l’ensemble de l’architecture sociale africaine.

Les ONG locales, souvent premières sur le terrain, ne peuvent compenser le désengagement des grands bailleurs internationaux. Des milliers de familles, notamment dans les zones rurales reculées, risquent d’être laissées à elles-mêmes dans les mois à venir.

L’Afrique, bien qu’historiquement peu responsable des déséquilibres économiques ou géopolitiques mondiaux, en paie une fois de plus le prix fort. Le risque d’un effondrement humanitaire généralisé, sur fond d’indifférence internationale, n’a jamais été aussi tangible.