Un milliard de personnes en Afrique utilisent encore du bois ou du charbon pour cuisiner, provoquant des dégâts sanitaires et environnementaux massifs. Un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) propose une solution accessible et peu coûteuse pour en finir avec ce fléau d’ici 2040.
En Afrique, quatre foyers sur cinq dépendent encore de méthodes de cuisson rudimentaires, souvent à base de bois, de charbon ou de déchets agricoles. Une réalité qui touche près d’un milliard de personnes, avec des conséquences dramatiques sur la santé publique, l’environnement et l’égalité des genres. Ce constat alarmant figure au cœur du nouveau rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), publié ce vendredi.
Le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, dénonce une « injustice majeure de notre époque », rappelant que deux milliards d’individus dans le monde utilisent encore des poêles ou foyers ouverts dangereux pour cuisiner. Cette pratique libère des particules fines toxiques, responsables de maladies respiratoires et cardiovasculaires, tout en alimentant la déforestation et le réchauffement climatique.
Selon l’AIE, pas moins de 815 000 décès prématurés par an en Afrique seraient liés à la pollution de l’air intérieur, en grande partie causée par ces modes de cuisson traditionnels. Les femmes et les enfants en sont les premières victimes, contraints de consacrer des heures chaque jour à la collecte de bois et à l’entretien du feu, au détriment de l’éducation ou d’activités rémunérées.
Un défi technologique déjà surmonté
Le rapport souligne que la solution est à portée de main. « Le problème peut être résolu avec des technologies existantes, à très faible coût », affirme M. Birol. Il ne s’agit pas d’une révolution technologique, mais d’un effort de mobilisation financière et politique.
L’AIE estime que deux milliards de dollars par an suffiraient pour généraliser l’accès à des modes de cuisson propres en Afrique d’ici 2040. Cela ne représenterait que 0,1 % des investissements énergétiques mondiaux prévus pour 2025, évalués à 3 300 milliards de dollars.
Les alternatives sont connues : cuisson à l’électricité solaire, gaz renouvelables, GPL (gaz de pétrole liquéfié)… Bien que ce dernier soit une énergie fossile, il reste préférable à la poursuite de la déforestation massive, explique le rapport.
Des engagements politiques déjà en cours
Un sommet organisé par l’AIE à Paris en mai 2024 a constitué un premier tournant. Il a permis de rassembler 2,2 milliards de dollars d’engagements, émanant du public comme du privé, et de recueillir le soutien de douze gouvernements africains.
Depuis, 470 millions de dollars ont déjà été déployés, donnant lieu à des initiatives concrètes, comme une usine de fabrication de poêles au Malawi, ou encore un programme de distribution de poêles abordables en Ouganda et en Côte d’Ivoire.
Une feuille de route pour un accès universel
Un an après ce sommet, l’AIE dresse le premier bilan de ces efforts et propose une feuille de route claire pour parvenir à un accès universel à la cuisson propre en Afrique d’ici 2040. Une ambition réaliste, selon l’agence, au vu des progrès réalisés ailleurs dans le monde.
Entre 2010 et 2024, près de 1,5 milliard de personnes ont accédé à des équipements de cuisson moderne en Asie et en Amérique latine, notamment au Brésil, en Inde et en Indonésie. Pourtant, en Afrique subsaharienne, le nombre de personnes sans solution propre continue d’augmenter.
Un impact décisif sur la santé et le climat
L’adoption généralisée de modes de cuisson propres permettrait d’éviter 4,7 millions de décès prématurés d’ici 2040 en Afrique subsaharienne, tout en réduisant de 540 millions de tonnes par an les émissions de gaz à effet de serre du continent — soit l’équivalent des rejets annuels du secteur aérien mondial.
Outre les États, le secteur privé est appelé à jouer un rôle moteur. L’AIE plaide pour des incitations financières permettant aux familles de s’équiper, et appelle à intégrer l’enjeu de la cuisson propre aux politiques énergétiques et de santé publique.