Le juriste Kaïs Saïed est élu président de Tunisie.

Le président tunisien Kais Saied a remis en cause le moratoire sur la peine de mort observé depuis 30 ans en Tunisie en se disant favorable à son application après le meurtre d’une jeune femme. Une prise de position aussitôt critiquée par des ONG.

Lundi soir, le chef de l’Etat a fait une entrée remarquée dans le débat: « S’il est prouvé qu’il a tué une ou plusieurs personnes, je ne pense pas que la solution soit de ne pas appliquer la peine de mort », a dit Saied lors d’une réunion du conseil de sécurité, selon une vidéo diffusée par la présidence.

La semaine passée, Rahma, 29 ans, disparue à la sortie de son travail, a été retrouvée morte dans un fossé sur l’autoroute reliant la capitale Tunis et le quartier résidentiel de La Marsa. Rapidement interpellé, le suspect a fait des aveux, affirmant l’avoir étranglée et avoir volé son téléphone sous l’effet de l’alcool, selon le ministère de l’Intérieur.

Le père de la victime a réclamé que l’assassinat soit puni par la peine capitale, ce qu’ont également scandé quelques dizaines de manifestants devant le palais présidentiel samedi. A la suite de l’émoi déclenché par ce meurtre, des ONG comme la Ligue des droits de l’Homme ont elles rappelé que la peine de mort n’avait pas de vertu préventive.

« Les propos tenus par Kais Saied sont très inquiétants », a réagi Chokri Latif, président de la Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM), cité par l’AFP. Le militant regrette une « position populiste sur une question si délicate ».

« Une reprise des exécutions serait une insulte envers tous les progrès faits par le pays en matière de droits de l’Homme », a renchéri Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour Amnesty International.

Kais Saied, un universitaire spécialiste du droit, élu en octobre 2019 sur fond de rejet des partis dominant depuis la révolution de 2011, avait défendu lors de sa campagne des positions socialement conservatrices. Tout en se revendiquant des idéaux de liberté et dignité propres à la révolution, cet indépendant s’était notamment positionné contre l’abolition de la peine de mort.

A ce jour, une centaine de personnes se trouvent encore dans les couloirs de la mort, selon l’Organisation contre la torture en Tunisie (OCTT). En 2014, la nouvelle constitution, saluée à l’international pour ses avancées, a consacré le « droit à la vie », sans abolir la peine capitale.