Rebelote en Tunisie. Cinq ans après la Révolution du Jasmin, les turbulences sociales envahissent la quasi-totalité du pays.
De véritables scènes d’émeutes enflamment de nombreuses villes et le pouvoir a été obligé d’imposer le couvre-feu.

24 milliards d’euros nécessaires

En visite en Europe, le premier ministre a dû abréger son périple pour rentrer à Tunis. Il a pu entre-temps obtenir une aide d’un milliard d’euros de la France qui sera étalé sur cinq ans. On est néanmoins encore loin du compte.
Il y a en effet quelques mois, sur une chaîne de télévision française, le producteur de cinéma tunisien mondialement connu Tarek Ben Ammar avait chiffré à 24 milliards d’euros les financements nécéssaires pour sortir la Tunisie de l’ornière et booster, de manière décisive, son économie.
Il avait fait remarquer en passant que l’Union européenne avait déjà consenti à la Grèce 240 milliards d’euros, soit dix fois plus que le montant indiqué pour son pays qui compte plus ou moins le même nombre d’habitants.
Il n’a pas ajouté ce qui est une évidence : la Grèce est membre de l’Union européenne, la Tunisie non.

Ne pas compter que sur Paris

La faillite de la Grèce aurait eu des conséquences desastreuses immédiates sur l’Europe toute entière et en particulier sur les vingt-huit pays membres de l’UE et surtout les 19 ayant l’euro comme monnaie commune. Ceci explique évidemment le traitement de faveur accordé à la Grèce.

Quant à la Tunisie,ses liens historiques et économiques avec la France permettent de comprendre l’engagement financier de Paris. Le problème est que du fait de l’état de son économie gangrénée par le chômage, la France n’est pas en situation d’aider davantage la Tunisie. Cette dernière doit en premier lieu compter sur elle-même, sa diaspora, les pays arabes frères et les Institutions financières internationales.

Le tourisme ciblé par les terroristes

Avec 30 % de jeunes au chômage et un tourisme durement touché par les attaques terroristes – qui ont réduit considérablement le nombre de touristes – la crise est très grave et elle est structurelle. C’est le modèle économique basé sur le tourisme qu’il faut redéfinir. Parce que les seules mesures de sécurité, aussi crédibles soient-elles, ne permettront pas un retour massif des touristes occidentaux qui sont conscients d’être des cibles potentielles.

Depuis l’attentat de la synagogue de la Ghriba de la ville de Djerba le 11 Avril 2002, la destination Tunisie avait pris du plomb dans l’aile. Certes des efforts remarquables ont été faits pour restaurer une relation de confiance avec les touristes, mais le doute et la peur n’ont jamais pu être extirpés de l’esprit des occidentaux. Et ce d’autant qu’en juin de l’année dernière une attaque terroriste a fait 38 morts dans un hotel situé près de la ville de Sousse.

Ainsi la Tunisie est-elle comme l’Egypte atteinte au cœur de son moteur économique qu’est le tourisme.

Changer de modèle économique

Réorganiser l’économie pour changer de modèle est un défi à relever. Encore faudrait-il avoir un modèle de rechange qui s’enracine dans la réalité du pays. Les ressources naturelles de la Tunisie sont limitées.
Il y a l’industrie cinématographique qui a beaucoup de potentialités comme avec le tournage sur place de grosses productions hollywoodiennes dans un passé récent le prouvent. Le problème est que dans ce domaine aussi l’épée de Damoclès du terrorisme est dissuasive. Rien ne peut se faire sans sécurité, ni avec les investisseurs et touristes étrangers ni même avec les hommes d’affaires locaux.
La première des batailles à mener et à gagner est donc contre le terrorisme. En Tunisie comme ailleurs celle–ci sera à la fois militaire et politique.

Après les printemps arabes

En toute logique, la démocratie tunisienne – la seule à avoir survécu à la suite des printemps arabes -a les moyens politiques de vaincre les terroristes islamistes. Le fait même qu’elle continue d’exister démontre son ancrage social authentique. C’est sa force et son atout majeur.
Le pouvoir en place issu d’élections libres et démocratiques devrait organiser de larges consultations populaires sur la situation économique réelle de la nation et les options pour la redynamiser.

Réiventer le tourisme

Le tourisme dans un monde menacé par le terrorisme doit être réinventé. Les Etats-Unis,depuis le 11 Septembre 2001 ont montré le chemin. Auparavant voyager aux USA et à l’intérieur des cinquante Etats était d’une simplicité extraordinaire.
Par exemple, dans les 1980 on pouvait payer les billets d’avion à l’intérieur des navettes entre New-York et Washington DC. Cette époque est révolue, et les contrôles sont devenus multiples et rigoureux. Mais une telle atmosphère est-elle compatible avec l’état d’esprit d’un touriste venu se reposer, visiter et se changer les idées ?

Comment allier sécurité et confiance ? Dans les pays de dictature comme la Corée du Nord par exemple, le terrorisme pourrait difficilement progresser parce que le pays est cadenassé. Mais les dictatures ne sont pas à l’aise avec le tourisme de masses.

Prime à la sécurité et enjeu social

En Tunisie la démocratie peut être un vrai rempart comme dans les pays occidentaux. La sécurité devient l’affaire de tous. Sur ce plan la Tunisie pourrait suivre les exemples de la France et des USA les deux qui reçoivent le plus grand nombre touristes au monde et qui font face à toutes les formes de terrorisme. Avec fermeté et dans le respect des principes et règles démocratiques.

Quant au chômage massif des jeunes, tous les pays du Sud y font face. Il est de l’intérêt bien compris des Etats du Nord de les aider à relever le défi. Sinon personne ne pourra arrêter les vagues migratoires qui destabilisent l’Europe et pèsent sur le débat politique aux Etats Unis.