Les médias sénégalais, grandes victimes du nouveau pouvoir qui leur a coupé les publicités des sociétés publiques, bloqué leurs comptes bancaires pour imposer le paiement des taxes fiscales et, pour tout dire, voués aux gémonies, se retrouvent, peut-être, « à l’insu de leur plein gré », au front de la vendetta judiciaire en cours.

Les « unes » sont barrées de gros titres annonçant les placements en dépôt, les inculpations, les « scandales » impliquant barons, valets et exécutants des « basses œuvres » de l’ancien régime.
Les médias mettent en exergue les informations que les institutions (Cour des comptes, par exemple) leur envoient sous forme de communiqués, que des fuites distillent suite à des convocations policières, que des « personnes bien informées » donnent, etc.

Quid des vérifications qu’exige la déontologie journalistique ?
Un détail : les sources étatiques, policières, judiciaires sont « indiscutables », même si elles doivent être discutées, car elles ne sont pas parole d’Évangile.

Et il y a surtout LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE, qui est piétinée, la vendetta judiciaire acclamée et la méchanceté célébrée.

C’est ainsi que les médias tombent dans le piège des vengeurs sans masque, qui oublient que la justice n’est pas la vengeance. Que les simples suspicions ne sont pas des preuves et qu’il faut attendre que le processus judiciaire aille jusqu’à son terme pour qu’une condamnation soit définitive.

La presse doit respecter ses lecteurs et d’abord se respecter elle-même, en refusant des manipulations grossières qui se nourrissent de préjugés vis-à-vis de personnages qui ont certes été arrogants et fanfarons lorsqu’ils étaient ministres, députés, etc.
Les sentiments personnels sont compréhensibles, mais ne doivent pas obscurcir le jugement.

Pendant cette période complexe, le devoir de vigilance s’impose, non pas pour absoudre des personnes qui ont détourné des deniers publics et donc volé le peuple, mais pour exiger que des procès justes soient organisés.
Que la justice reste indépendante et jalouse de son pouvoir.

Annoncer une arrestation est une chose ; condamner définitivement quelqu’un en est une autre.
Les procès-presse, qui permettent d’avilir quelqu’un et d’en faire un coupable avant même sa confrontation avec les juges, doivent être dénoncés.

L’exécutif doit laisser la justice faire son travail et éviter d’annoncer des « scandales ».
La séparation des pouvoirs est un impératif démocratique.

Les juges sénégalais ont déjà démontré leur sens des responsabilités et leur sens élevé du devoir.
Ils méritent la confiance du peuple, qui veut la justice et rien que la justice.