Au Sénégal Ousmane Sonko, bien que Premier ministre, s’arroge depuis avril 2024 les pouvoirs de chef suprême des Armées. Afrique Confidentielle avait relaté les péripéties ayant conduit à l’affectation du général Souleymane Kandé à New Delhi, consécutivement au refus de ce dernier d’exécuter des instructions qui ne venaient pas du Chef de l’État et chef suprême des Armées. Pour rappel, par lettre confidentielle numéro 0431/MFA du 16 Mai 2024 Ousmane Sonko avait demandé au Ministre des Forces Armées, à l’État Major Général des Armées et à la Division Coopération de lui proposer « avant la fin du mois de mai 2024 » une révision de accords militaires avec quatre pays partenaires du Sénégal : la France, les Etats-Unis, le Canada et la Grande Bretagne.
Dans cette logique, il a obtenu le retrait des Éléments Français du Sénégal (EFS) mais en même temps souhaite le maintien d’une partie du dispositif de l’armée française pour la formation contrairement aux idées souverainistes affichées publiquement.
Il a ainsi instruit le général Biram Diop et le général Mbaye Cissé, respectivement ministre des Forces armées et Chef d’État-major, qui lui obéissent au doigt et à l’œil, de demander aux Français de maintenir un dispositif de formation et du matériel nécessaire à la dissuasion anti-terroriste. Comme quoi Sonko veut le départ des soldats français pour en obtenir un dividende politique populiste mais sait pertinemment que sans leurs capacités opérationnelles en termes de renseignement et de puissance de feu le Sénégal est à la merci des djihadistes, notamment installés dans la région de Kayes, au Mali.
Ousmane Sonko s’emploie aussi à réduire drastiquement les capacités opérationnelles de l’armée sénégalaise. Il menace gravement l’intégrité territoriale du pays dont les unités, largement suréquipées et modernisées, en plus des recrutements massifs, sous les régimes Abdoulaye Wade et Macky Sall, voient leur capacité opérationnelle désormais en baisse.
Prétextant une conjoncture économique difficile, suite aux accusations de maquillage des comptes publics, Ousmane Sonko a reçu des notes techniques d’économistes lui suggérant de montrer l’exemple avant de demander des efforts au peuple. Les propositions ont trait à la réduction significative du train de vie de l’État. Il lui a été suggéré la réduction voire la suppression des fonds politiques du Président, du Premier ministre et du Président de l’Assemblée nationale, la suppression d’une vingtaine d’agences et la réduction des salaires des ministres et DG. Des experts ont même appelé à un gel des fonds communs des administrations fiscales le temps du retour à l’embellie économique. Refus catégorique du premier ministre Sonko qui pense que c’est aux Sénégalais de faire des efforts mais pas les dirigeants du Pastef, qui ont besoin d’un « trésor de guerre » pour se constituer des bases politiques en vue des prochaines élections locales.
Il a préféré réduire le budget de l’armée. Ainsi l’armée de Terre, qui avait une dotation annuelle en carburant de 75000 litres a vu ce volume passer à seulement 10 000. Les troupes ne peuvent même pas s’entraîner avec une si faible dotation. Les Forces spéciales envoyées à l’Est du pays pour sécuriser l’axe frontalier avec le Mali, où pullulent des groupes terroristes, ont été obligées de revenir à leur camp de base faute de carburant pour s’entraîner et se déployer en cas de menace grave. Le général Biram Diop n’a pipé mot pour infléchir la position du Premier ministre sur ces menaces graves sur les populations.
Le général Mbaye Cissé n’a pas non plus exigé du gouvernement le paiement des primes d’opération pour les soldats engagés en Casamance, risquant ainsi de miner leur moral surtout au moment où le gouvernement a décaissé 5 milliards pour récompenser les manifestants des émeutes de 2021 à 2024.
En tout état de cause, ça grogne dans les rangs de l’armée au moment où – chose inhabituelle – le Premier ministre lui-même se rend à Bissau pour assister à une réunion de suivi des accords de paix entre l’État et le MFDC…