Il y a des erreurs qui relèvent de la maladresse, d’autres qui sont des actes de sabotage pur et simple. Ousmane Sonko, avec ses accusations tonitruantes contre l’ancien régime, vient d’offrir un cas d’école du piège qu’un politicien peut se tendre à lui-même. En dénonçant une prétendue falsification des chiffres économiques sous Macky Sall, il croyait probablement jouer les justiciers. Résultat ? Une dégradation de la note financière du Sénégal, une crise de confiance auprès des institutions économiques et, cerise sur le gâteau, un affaiblissement considérable de la candidature d’Amadou Hott à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD).

Un coup de maître ? Non, un coup de massue… porté contre lui-même et son pays.

Les accusations irresponsables d’un Premier ministre pyromane

Ousmane Sonko, en manque d’un vrai bilan et d’une vision économique claire, a cru bon de lancer une bombe politique : l’ancien régime aurait falsifié les chiffres de la dette et du déficit budgétaire. Sur le papier, cela semblait être une attaque classique contre les prédécesseurs. Mais dans la vraie vie, on ne joue pas avec des accusations de cette ampleur sans en mesurer les conséquences.

Dès que Sonko a ouvert la boîte de Pandore, les répercussions ont été immédiates :

L’agence de notation Moody’s a dégradé la note financière du Sénégal, rendant les investissements plus risqués.

La confiance des institutions financières s’est érodée, mettant le pays dans une position inconfortable.

La polémique a éclaboussé Amadou Hott, pourtant un technocrate respecté sur la scène internationale, candidat à la présidence de la BAD.

En voulant détruire l’image de Macky Sall, Sonko a réussi à fragiliser la position du Sénégal sur l’échiquier international. Un génie stratégique, vraiment.

L’effet boomerang : quand l’arroseur se noie sous sa propre pluie

Le plus risible – ou le plus tragique – dans cette histoire, c’est que Sonko n’a absolument rien gagné à cette manœuvre. Son image de leader visionnaire s’effondre au profit de celle d’un politicien brouillon et impulsif.

Le dossier de la présidence de la BAD était un enjeu stratégique pour le Sénégal : placer un compatriote à la tête d’une institution aussi influente aurait offert au pays un levier considérable pour son développement. En jetant en pâture l’ancienne administration, Sonko a souillé l’ensemble du bilan économique du pays, y compris les succès qui auraient pu servir de tremplin à Amadou Hott.

Sonko se rend-il compte qu’il est en train de miner sa propre crédibilité ? Gouverner, ce n’est pas faire du bruit dans les médias et déclencher des polémiques stériles. C’est anticiper, jouer avec un coup d’avance et ne pas scier la branche sur laquelle on est assis.

Une faute politique aux conséquences dramatiques

En politique, chaque déclaration est un coup qui doit être calculé avec précision. En se lançant dans une croisade accusatrice sans mesurer l’ampleur du séisme qu’il allait provoquer, Sonko a démontré une imprudence qui pourrait coûter cher au Sénégal. Ce qui aurait pu être un simple règlement de comptes politique s’est transformé en une crise de confiance dont le pays mettra du temps à se remettre.

Les investisseurs, déjà échaudés par l’instabilité politique, voient désormais le Sénégal comme un terrain miné, où un Premier ministre peut, par pure tactique politicienne, faire vaciller la crédibilité financière de son propre pays. Les institutions internationales, elles, s’interrogent : comment soutenir un gouvernement qui torpille lui-même ses indicateurs économiques ? Plus grave encore, cette cacophonie affaiblit la diplomatie économique du Sénégal, un pays qui, jusqu’ici, avait su jouer intelligemment ses cartes sur la scène africaine et mondiale.

Mais la plus grande victime collatérale de ce fiasco, c’est bien Amadou Hott. Sa candidature à la présidence de la BAD, qui aurait pu être un atout stratégique pour le Sénégal, se retrouve fragilisée par la tempête déclenchée par Sonko. Comment défendre l’idée que le Sénégal est un modèle de gestion et de vision économique quand son propre gouvernement laisse entendre le contraire ? Ce qui aurait pu être une victoire diplomatique devient une bataille de survie pour Hott, désormais contraint de convaincre qu’il est bien le candidat de la compétence, et non celui d’un pays en plein chaos politique.

Si cette situation n’était pas aussi désastreuse pour l’avenir du Sénégal, elle prêterait presque à sourire. Mais derrière cette tragique comédie politique se cache une vérité implacable : gouverner, ce n’est pas dénoncer les supposés errements du passé, c’est surtout savoir construire l’avenir sans dynamiter ses propres fondations. Ousmane Sonko, dans sa précipitation à régler ses comptes, vient de donner au monde entier une leçon involontaire sur l’art de se tirer une balle dans le pied.