En 2012, alors qu’il venait d’être élu président de la République du Sénégal, le candidat de Benno Bokk Yakaar détenait toutes les cartes en main. Maître du jeu politique, il avait une longueur d’avance par rapport à ses adversaires. Il venait de battre Me Abdoulaye WADE et d’avoir ainsi, la possibilité de dérouler  sa politique, en toute liberté. En 2023, il redevient maître du jeu, malgré sa décision de renoncer à une nouvelle candidature.

Tout le monde écoute Macky SALL. Ses mots, faits et gestes sont analysés aussi bien par ses partisans que par ses adversaires. Il ne sera pas candidat en 2024. Mais son avis compte. Avec sa forte majorité, le président SALL est devenu aujourd’hui, le faiseur de roi sans être directement dans le jeu.

Au sein de Benno Bokk, les Etats-majors politiques s’organisent. Les responsables de l’Apr aux ambitions cachées cherchent à influencer son choix pour la candidature de la coalition. Des coups bas et des initiatives “non conventionnelles”, sont dirigés contre certaines personnalités qui suscitent la crainte chez leurs adversaires. Par exemple, Amadou Ba est depuis quelques semaines, victime d’attaques dans les réseaux sociaux. Des gens tentent de le mettre en mal avec le président, allant jusqu’à créer un site web de campagne en son nom.

Très serein, le président SALL a opté pour une démarche consensuelle. Aux Maires de Benno qui avaient porté sa candidature, il avait décidé de les maintenir dans le bloc afin de mieux aborder les échéances de 2024. Ensuite, il a reçu le Secrétariat national de l’Apr. Au cours de cette rencontre, des responsables du parti, se disant militants de la première heure, ont tenté de pousser le président du parti à porter son choix sur un responsable authentique. D’ailleurs, avant l’ouverture de la réunion, des responsables se sont concertés pour harmoniser leur position afin d’influencer le président SALL, au cours de cette rencontre avec le Secrétariat national. Mais, malheureusement pour eux, le choix a été différé, et carte blanche lui a été donnée pour choisir un candidat au nom du parti. S’en suivra ensuite la rencontre avec les alliés de Benno. La même posture a été remarquée. Les alliés ont tous décidé de laisser le président de la coalition, procéder au choix du candidat.

Il est aussi prévu une rencontre entre le président SALL et les parlementaires de sa coalition. Ces conclaves politiques sont des missions d’informations et de crédibilisation de la future décision. Car, le président SALL ne voudrait pas donner l’impression d’avoir agi seul sans se concerter avec ses alliés. Il a voulu également que son choix prochain soit soutenu par l’écrasante majorité. On sait qu’il est toujours difficile de choisir. Et faire un choix c’est également exclure des candidats. En plus, en politique, il  n’existe pas de choix unanimement accepté. Cela veut juste dire que, quelle que soit la personne qui sera choisie, il y aura des contestations. L’essentiel alors, c’est de faire adhérer le maximum de personnes.

Déjà, des candidatures sont annoncées dans les réseaux sociaux. Abdoulaye Diouf SARR, l’ancien Maire de Yoff et ancien Ministre de la Santé a déclaré sa candidature, en attendant la décision du Président. D’autres personnalités muettes, ont confié leurs voix à leurs militants qui s’occupent de l’investiture de leur candidat préféré à  travers les réseaux sociaux. Mais le dernier mot revient au Chef de l’Etat. Selon un sondage d’opinion effectué sur la personnalité capable d’être le prochain candidat de Benno en 2O24, le Premier ministre est arrivé en tête avec près de 40%, le second n’a pas dépassé la barre des 10% et le dernier pourtant, militant de la première heure de l’Apr, n’a obtenu que 01%. Le président Macky SALL devrait tenir compte de ces informations déposées sur sa table. Mieux encore, pour la victoire de sa coalition, le président Sall ne prendra jamais le risque d’écarter son premier collaborateur. Il devrait constituer une équipe autour du candidat pour aller ensemble à la conquête des suffrages des Sénégalais.

Par ailleurs, le candidat de Benno aura la chance d’avoir Macky SALL comme Directeur de campagne. Car, il détient la clé de la victoire de son candidat en 2024. Ce dernier devra s’appuyer sur son bilan pour convaincre les Sénégalais. Mais aussi, il devra prendre des engagements de faire plus que Macky SALL pour rassurer les électeurs.  L’investissement personnel du président de l’Apr et Directeur de campagne, sera un apport de plus pour le candidat. Car depuis 2012, les électeurs se sont familiarisés avec l’image du président Macky SALL. Et, le candidat de Benno devra profiter de cette image et de l’aura du président SALL pour convaincre les électeurs qui ont toujours donné la majorité à Benno depuis 2012. D’ailleurs, c’est là où se situe la question sur l’utilisation des couleurs, du logo et des images de la coalition et du candidat. Car, même s’il faut mettre en avant le candidat de Benno, l’image de Macky SALL, ne doit pas être loin. Les électeurs ont scanné l’image du président SALL dans leur mémoire, et il faut insister dans la communication pour placer l’image du nouveau candidat dans l’esprit des électeurs. D’ailleurs, ne faudrait-il pas laisser l’image du président SALL sur les bulletins de vote ? Ou bien faudra-t-il mettre celle du président SALL et du  nouveau candidat côte à côte ? Tout un débat à venir… Cela rappelle Idrissa SECK en 2002, qui avait mis l’ombre de Me Abdoulaye WADE sur les bulletins de la coalition présidentielle lors de l’élection après une décision rendue par le Conseil constitutionnel.

Au-delà de Benno, Macky SALL est aussi le maître du jeu dans l’opposition. D’abord, concernant la participation de Karim WADE et de Khalifa SALL, il a instruit le Conseil des ministres à préparer les lois modifiant le Code électoral et la Constitution. Ces lois devraient permettre à ces deux opposants de participer à l’élection. Cela a été possible, grâce au dialogue. Il y a également le cas Ousmane SONKO, dont la participation au scrutin de 2024 est compromise. Idrissa SECK bien qu’étant candidat investi par son parti, ne rejetterait pas une alliance avec le président Macky SALL. Karim Wade non plus.

Une autre équation se dresse. Elle est liée aux parrainages. Car, le candidat du pouvoir n’aura aucune difficulté pour obtenir le nombre de parrainage exigé. Seulement, les candidats de l’opposition risquent de se confronter à ce problème. Parce que plusieurs parmi eux, ne maitrisent pas l’outil du parrainage et ils souffrent de représentativité pour atteindre le taux exigé.

Il faut également retenir le risque de voir les candidatures de Karim WADE et de Khalifa SALL rejetées par le Conseil constitutionnel par défaut de quitus fiscal. Car, s’il est avéré que dans le cadre de leur condamnation judiciaire, ils devraient de l’argent à l’Etat du Sénégal, le non-paiement de cette amende pourrait être un motif de rejet. Là aussi, le président SALL devrait s’investir en amont pour régler toutes ces questions qui pourraient les empêcher de se présenter malgré les efforts faits lors du dialogue.

Sans aucun doute, le président Macky SALL est le maitre du jeu politique au Sénégal. Il n’est pas candidat. Il choisira le candidat pour sa coalition. Ensuite, il a créé les conditions d’éligibilité de deux candidats de l’opposition. Et, l’organisation démocratique et transparente du scrutin lui revient. Enfin, il s’engagera personnellement pour le triomphe de son candidat.