Avec la disparition de Alioune Badara Niang, le PDS perd un de ses derniers membres fondateurs qui ont écrit son épopée depuis sa création en 1974 jusqu’à sa conquête du pouvoir plus d’un quart de siècle plus tard.

Militant de la première heure, muni d’un bagage de leader syndical, en rupture avec l’UPS de Senghor comme Abdoulaye Wade, Niang a été de tous les combats pour implanter le parti sur le plan national et lui bâtir des soutiens internationaux afin de  lui donner les moyens de ses ambitions.  Il a choisi d’agir dans l’ombre avec une discrétion et une efficacité redoutables.

Ceux qui ont connu le PDS de l’intérieur et qui ont eu la chance de le fréquenter, ont toujours apprécier un homme ouvert, au commerce agréable dont le sourire éclairait le visage constamment.

Son action au sein du parti fut essentielle car sa loyauté était totale, son engagement sincère et sa lucidité apaisante. Dévoué et d’un courage exemplaire aussi bien physique que politique, Niang n’a jamais été un « faucon » c’est à dire un intégriste, partisan de positions tranchées et irréductibles.

Cela explique sans doute la longue durée de son compagnonnage avec Wade qui a toujours privilégié les compromis dynamiques, avec la fameuse théorie des « jalons du sopi ». Niang a osé traversé les frontières pour aller chercher des appuis au péril de sa vie.

Ses actes de bravoure lui ont permis de conquérir le respect de son mentor avec qui il avait des relations spéciales.

A l’avènement de Wade cependant, Niang refusa de s’afficher sur le devant de la scène, pour occuper des postes de premier plan auxquels il pouvait prétendre par ses compétences, son expérience et ses états de service.

Il resta dans l’ombre, ce qui lui permit d’aider beaucoup de cadres à émerger et faire carrière dans le parti et au sein de l’appareil d’Etat. Sa maison de Sacré-Cœur était ouverte à tout le monde :militants et adversaires politiques du moment. Combien de crises a—il aidé à tuer dans l’œuf ? de réconciliations a-t-il favorisé ? d’adversaires a-t-il retourné ?

Niang n’a jamais versé dans le triomphalisme. Discret il a vécu, discret il s’est éclipsé. Seule ombre au tableau de son long compagnonnage avec Wade, l’arrestation et l’emprisonnement de son cousin Idrissa Seck. Niang s’est alors rebellé et acté une rupture avec son mentor. Les liens n’ont jamais été véritablement renoués car Niang a souffert de cet épisode qui l’a meurtri.

Pas d’action d’éclat cependant, ce n’est pas son genre. Mais un retrait conséquent en fidélité à des principes et à un code d’honneur. L’homme que le Sénégal perd était grand et humble. Il a servi son pays du mieux qu’il a pu et s’est illustré pendant la séquence politique du « pouvoir Sopi » par son sens de la mesure et sa volonté d’ouverture.

Le PDS, aujourd’hui éclaté, devrait se retrouver, ne serait-ce que, pour un moment, pour lui rendre un hommage mérité. Comme l’ont eu nombre de dignitaires qui viennent de tirer leur révérence. Les plus hautes personnalités de l’Etat, des confréries et de la société civile ont bravé la menace du covid19 pour assister à leur levée du corps et les accompagner jusqu’à leur dernière demeure.

La croyance religieuse l’impose, la dignité humaine et l’honneur en font un sacerdoce. Dans le respect des mesures de sécurité sanitaire et c’est possible. Alioune Badara Niang mérite d’être honoré jusqu’au bout.