Avec beaucoup de retard, l’ONG Amnesty International a fait chorus avec ceux, au Sénégal, qui exigent l’abrogation de la loi d’amnistie que le régime de l’ex-président Macky Sall avait fait voter, avec l’approbation des opposants d’alors, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye.
Ces derniers ont pu ainsi sortir de prison et soutenir la candidature, à la présidentielle, de Diomaye, qui avait été validée par le Conseil constitutionnel.
La suite est connue : le candidat de l’opposition gagne les élections, s’installe au Palais et nomme Sonko Premier ministre.
Il y a bientôt un an qu’ils gouvernent, en traînant le boulet de cette loi d’amnistie qui est remise en cause (qu’ils avaient ensuite soutenue, avant de rétropédaler et de se rabattre sur une indemnisation des victimes triées sur le volet, privilégiant les « gens de Pastef », selon les nouveaux opposants).
Ces derniers, retournement de situation oblige, militent pour l’abrogation de la loi d’amnistie, qui devient une patate chaude entre les mains du nouveau pouvoir, pris au piège de ses anciennes déclarations et des risques à évaluer en cas d’abrogation d’une loi qui remettrait en cause tout l’édifice politique, si fragile, qui préserve la paix sociale au Sénégal.
Mais l’équation est d’une rare complexité, maintenant qu’Amnesty prend position en faveur de ceux qu’il faudrait appeler les « abrogationnistes ».
En effet, cette nouvelle donne devrait faire perdre le sommeil au duo Diomaye/Sonko, qui a d’autres équations financières plus redoutables à résoudre.
Amnesty International semble cibler particulièrement les forces de défense et de sécurité, qui auraient mené une répression violente s’étant soldée par de nombreuses victimes (des dizaines de morts et des milliers de blessés).
Mais pourquoi Amnesty oublierait-elle les autres victimes, comme les propriétaires et travailleurs des commerces vandalisés, les particuliers dévalisés, les dignitaires dont les maisons ont été incendiées, et même les opposants dont les habitations ont été saccagées, en réaction, par les « groupes de riposte des militants du pouvoir » ?
Manifestement, ceux qui ont attaqué les enseignes françaises, en hurlant « France dégage », et ceux qui ont cherché à jeter des cocktails Molotov sur certaines cibles, comme le TER, des établissements de la Senelec et d’autres biens publics, ne sont pas des membres des forces de défense et de sécurité (FDS).
Forcément, les armes saisies par les FDS devront être identifiées et leurs origines rendues publiques pour édifier l’opinion publique !
Une investigation rigoureuse s’impose et va prendre du temps.
Le pouvoir nouveau est-il prêt à cela ? En a-t-il les moyens ?
Cela est-il dans son intérêt ?
Rien n’est moins sûr !
Amnesty International sous pression ?
Les ONG ignorent souvent l’éthique de responsabilité, si chère à Max Weber, qui la met en parallèle de l’éthique de conviction.
Dans le premier cas, l’homme d’État privilégie des objectifs sociaux, politiques et stratégiques, qui favorisent la paix, les compromis dynamiques, le bon sens et la raison apaisante.
Le pouvoir devrait donc résister à la soudaine pression d’Amnesty International, dont la démarche tardive est suspecte.
Où était Amnesty depuis un an ?
Pourquoi se réveille-t-elle de son sommeil dogmatique seulement maintenant ?
S’agit-il d’une commande ?
Ceci dit, le pouvoir actuel l’a bien cherché, avec ses déclarations éloignées de l’éthique de responsabilité.
Justice, réconciliation et responsabilité
Le pouvoir n’est pas une affaire de fakir ou de moine. Ce n’est pas, non plus, une affaire de religion stricto sensu.
Il y a des périodes troubles, dans chaque pays, qu’il faut essayer de refermer en conjuguant justice et réconciliation nationale.
La vérité qui réconciliera le peuple pourrait émerger d’une commission JUSTICE ET RÉCONCILIATION NATIONALE.
✔ Toutes les victimes devront être recensées et indemnisées.
✔ Tous « les acteurs de violence » devront être identifiés et entendus avant d’être « pardonnés ».
Pardonner n’est pas oublier.