Le Sénégal semble engagé dans une aventure périlleuse orchestrée par le Premier ministre Ousmane Sonko, dont les récentes décisions militaires soulèvent de profondes inquiétudes quant à la stabilité du pays. En décidant de redéployer des troupes depuis la région sensible de la Casamance vers la frontière malienne, Sonko prend un risque sécuritaire majeur. Cette décision, loin d’être un acte stratégique sage, relève davantage d’une manœuvre politique cynique destinée à masquer les échecs d’un début de règne chaotique.
En Casamance, où le conflit indépendantiste a fait rage pendant plus de quatre décennies avant d’atteindre récemment un calme fragile, le retrait annoncé ou supposé des troupes sénégalaises laisse craindre un retour à la violence. Cette région, bien que pacifiée par un accord signé récemment, demeure un territoire complexe où toutes les factions rebelles n’ont pas abandonné leur combat armé. La décision de Sonko de diminuer la présence militaire dans la région, sans garanties suffisantes, pourrait réveiller les ambitions d’acteurs comme Salif Sadio, dont les intentions réelles demeurent troubles. Les habitants de Casamance, qui rêvaient enfin d’une paix durable, risquent désormais d’être les victimes d’une nouvelle vague d’instabilité. La stratégie de Sonko, en sacrifiant la sécurité du Sud sur l’autel de calculs politiques douteux, ouvre la porte à un scénario dramatique.
À l’autre extrémité du pays, la frontière avec le Mali est devenue un point de fixation militaire inquiétant. Si l’objectif affiché est la lutte contre la menace djihadiste qui prospère dans la région du Macina au Mali, ce redéploiement de troupes vers l’Est constitue paradoxalement une provocation inutile et dangereuse. Les groupes djihadistes actifs dans le Macina, dominés par des combattants peuls recrutés sous la bannière du Front de libération du Macina d’Hamadoun Kouffa, pourraient interpréter ce mouvement militaire comme une menace directe à leurs intérêts. Ce groupe, initialement communautaire puis absorbé par Al-Qaïda, se nourrit de ressentiments communautaires historiques pour recruter des combattants et étendre son influence. En déployant ostensiblement des troupes vers la frontière malienne, Sonko offre sur un plateau d’argent aux djihadistes une justification pour élargir leurs opérations sur le sol sénégalais. Ainsi, loin d’assurer la sécurité, ce choix militaire alimente directement la dynamique du conflit djihadiste, amplifiant le risque d’un débordement violent sur le territoire national.
Mais le plus inquiétant réside peut-être dans les motivations profondes de Sonko. Loin de l’image d’homme d’État responsable qu’il tente de projeter, il semble poursuivre une stratégie tristement familière dans l’histoire politique africaine : détourner l’attention des graves crises internes par l’exacerbation d’une menace extérieure. Confronté à des contestations internes grandissantes, Sonko réagit comme tant de dirigeants autoritaires avant lui, cherchant à unir artificiellement une population divisée en suscitant une menace sécuritaire exagérée ou fabriquée. En déplaçant l’attention du public vers une prétendue menace jihadiste, il tente désespérément de masquer l’échec patent de ses premiers mois de mandat.
Cette stratégie rappelle dangereusement les méthodes de dictateurs tristement célèbres comme Idi Amin Dada dans les années 1970 ou encore la junte argentine de 1982 qui, face à l’échec économique et social, ont créé un ennemi extérieur pour renforcer leur pouvoir affaibli. L’histoire récente de l’Afrique est jalonnée de tels exemples : régimes autoritaires fragilisés, aux prises avec des crises internes graves, ayant précipité leurs pays dans le chaos militaire pour maintenir une emprise éphémère sur le pouvoir. Ousmane Sonko semble emprunter cette voie tristement familière, avec tous les risques qu’elle comporte.
De plus, au sein même des forces armées sénégalaises, la décision prise par Sonko crée un malaise profond. Les militaires sénégalais, reconnus pour leur professionnalisme et leur neutralité, voient avec incompréhension cette réorganisation stratégique hasardeuse. Les dissensions internes au sein du commandement témoignent du caractère problématique de ces directives : certains officiers supérieurs, attachés à préserver les acquis sécuritaires obtenus à grands efforts en Casamance, s’inquiètent ouvertement des répercussions à long terme de telles décisions improvisées. Cet inconfort militaire, associé au silence troublant des autorités officielles sur la réalité exacte du redéploiement, ne fait que renforcer le sentiment général d’une gestion confuse, voire imprudente, des affaires sécuritaires par Sonko.
Il est donc impératif de comprendre clairement ce qui se joue actuellement au Sénégal. La stratégie de redéploiement des troupes, en apparence logique, cache en réalité un pari risqué dont les conséquences pourraient être désastreuses à la fois pour la sécurité du pays et pour la stabilité régionale toute entière. Loin d’être une mesure pragmatique visant à protéger la nation, elle se révèle être une dangereuse instrumentalisation politique du conflit, susceptible de précipiter un engrenage incontrôlable de violences à caractère ethnique et terroriste. Si aucune mesure corrective n’est rapidement prise pour inverser cette tendance, le Sénégal pourrait bien payer très cher les ambitions personnelles démesurées d’Ousmane Sonko.