À lire et à écouter les médias sénégalais, le pays de la Teranga et de la démocratie est aussi celui où se vit une campagne électorale permanente.

Et le ballon d’or de cet exploit unique doit être attribué au « pape du sopi » Abdoulaye Wade qui a réussi à transformer le pays du président-poète en arène de lutte où la prose vole bas. La réflexion objective encore plus bas.

Dès qu’on est sevré des délices du pouvoir on tire sur tout ce fait le gouvernement. Le ridicule ne tue pas comme demain le reniement(le mot transhumance est réinventé) si une offre alléchante est faite. Faut-il s’étonner alors que les acteurs politiques soient de plus en plus décrédibilisés ?

Comment fustiger le projet de train électrique(TER) qui va constituer un jalon important dans la « renaissance du rail sénégalais » « tué » par la chape de plomb des politiques d’ajustement structurel imposée par les Institutions de BRETTON WOODS ? Ce qui ne dédouane pas le régime de Abdou Diouf qui a tout accepté comme un agneau du sacrifice.

C’est bien cette injustice qui est aussi un coup terrible porté à l’économie sénégalaise que Macky Sall cherche à réparer avec le TER et le projet de relance de la ligne ferroviaire Dakar-Tambacounda-Bamako.

Mettre en exergue le coût du TER (plus de 500 milliards de Fcfa) en oubliant le financement octroyé par la France(200 millions d’euros); c’est manquer d’objectivité. C’est faire de la basse politique politicienne.

Ce qui n’honore pas ce qui le font aussi bien les politiciens que les hommes des médias qui sont leur caisse de résonance.

Le rôle des journalistes devrait être d’informer vrai, de faire des investigations pour étayer une argumentation solide pour dénoncer si nécessaire des actes de corruption et autres malversations.

Mais l’héritage de Wade d’une presse vorace voire cannibale qui a fini par se retourner contre son régime est profondément enraciné dans le pays.

La dérive est telle que l’éclosion des médias semble témoigner d’une embellie économique extraordinaire. Il est vrai que, sur le plan macro-économique il y a de réels motifs de satisfaction. Mais rien qui expliquerait l’essor du secteur des médias avec environ une vingtaine de quotidiens et des dizaines de radios et de télévisions.

La course à l’aide à la presse et la crise de certains « groupes de presse » démontrent bien que le soubassement économique du secteur n’est pas solide.

La réalité est que les médias sont sous perfusion de groupes d’intérêts y compris politiques et cela constitue une menace à long terme contre la démocratie et l’équilibre de la vie sociale. Heureusement que l’Assemblée nationale a refusé jusqu’ici de dépénaliser les délits de presse.

Au nom de quoi les hommes des médias auraient-ils le droit de s’exonérer des conséquences judiciaires de leurs actes ?

La campagne électorale permanente, il est vrai, permet de camoufler toutes les attaques car, en période de « campagne électorale officielle » la parole est totalement libre et les dérives ne prêtent pas à conséquence.

L’autre problème est que beaucoup d’« hommes politiques », « chefs de parti » n’existent que…par les médias. Le nombre de plus de 250 partis recensés ferait sourire s’il n’était pas malheureusement le signe et l’ombre portée d’une caricature grosse de dangers pour le système qui l’a enfanté.

Créer un parti c’est utiliser la démocratie pour la contourner en vue d’en profiter autant que faire se peut. Ces « entrepreneurs politiques » ont aussi intérêt à ce que la flamme de la campagne électorale qui les fait vivre et prospérer ne s’éteigne jamais.

Et donc ils l’alimentent continûment en bois et en pétrole.

Médias dévoyés et entrepreneurs politiques ont une convergence d’intérêts pour agir pour que jamais la tension électoraliste ne baisse.

Ainsi la campagne électorale pour les législatives fixées au 2 juillet 2017 a d’ores et déjà commencé. Le maire de Dakar Khalifa Sall a entamé une tournée nationale au risque d’anticiper une crise ouverte dans son parti(le parti socialiste) qui serait inévitable. Mais que va-t-il faire ? Se lancer dans les législatives en coalition ou en solo ? Quitter le PS ou se laisser expulser ? Dérouler un programme jusqu’aux présidentielles de 2019 ?

On peut parier qu’après les fêtes de fin d’année tout le monde va y aller et toute la vie du pays va tourner autour de cela. C’est une autre « malédiction » qui bloque le pays sur beaucoup de plans : administration au ralenti, dépenses qui poussent à la corruption etc…

Ce diagnostic fait, quelle solution envisager ?

D’abord faire respecter la loi sur le fonctionnement des partis politiques pour supprimer tous ceux qui sont juridiquement hors jeu : pas d’activités, pas de participation aux élections, pas de visibilité etc. L’Etat doit être ferme.

Ensuite rendre les organes de régulation comme le CNRA(conseil national de régulation de l’audiovisuel) plus efficaces en leur donnant les moyens humains et techniques indispensables. Car, dans l’état actuel des choses cet organe n’a pas la capacité ni technologique ni en ressources humaines pour être performant.

Publicité déguisée, propagande, charlatanisme, tout passe sur les ondes et les écrans. Ces dérives sont un cancer pour l’ensemble du système démocratique.

Mais au pays du « masla »(arrangement/mansuétude) presque tout finit par être pardonné donc a posteriori autorisé.

Il y a comme une addiction à la ronde des campagnes électorales comme à celle des saisons. D’une campagne l’autre, le pays est toujours tenu en haleine.

Une économie souterraine florissante s’y développe et beaucoup y trouve leur compte.

Ce n’est pas de sitôt que les « bonnes habitudes » vont être abandonnées.