Le contrat liant la Senelec (Société sénégalaise d’électricité) et Akilee-SA, prestataire de services, signé le 11 février 2019, fait aujourd’hui, l’objet d’une grande controverse.

Étalé sur 10 ans, avec une clause d’exclusivité, pour assurer à la Senelec, un système de comptage intelligent, comprenant, entre autres, la fourniture de près de 2.700 000 compteurs intelligents dans les dix années à venir, le contrat qui lie les deux parties, n’est plus du goût des principaux syndicats du secteur.

En vertu de ce contrat, Akilee-SA, dont la Senelec détient 34% des actions(une minorité de blocage), devra percevoir en contrepartie, pas moins de 186 milliards de francs CFA.

Les détracteurs du contrat mettent en exergue, le fait qu’il soit signé par entente directe ( de gré à gré), en pleine période de campagne présidentielle ( février 2019), sans que les employés de la Senelec ne soient mis au courant du contenu d’un contrat qui va inévitablement impacter la stabilité de certains emplois.

Des membres du Conseil d’administration qui ont pourtant autorisé l’opération, disent n’avoir jamais vu une copie du contrat ! Les cadres de la boîte, avancent, quant à eux, qu’on leur avait présenté Akilee-SA, comme une filiale de la Senelec, mais avec 34% seulement des actions, ils s’interrogent maintenant sur cette forme de filialisation bizarre.

Trois des (05) syndicats du secteur  (SUTELEC, SYCAS et SUDTEL) sont foncièrement contre le projet, dont ils estiment qu’il comporte de nombreuses zones d’ombre, qui vont à l’encontre des intérêts des abonnés de la Senelec, des employés et de la Senelec, elle-même. Selon eux, ce contrat” léonin”, à défaut d’être résilié, devra être renégocié, tout au moins.

Le Club des Investisseurs du Sénégal( CIS), dont M.Victor Ndiaye, l’un des trois détenteurs des 66% d’Akilee-SA, est vice-président, a produit le 14 mais 2020, une motion de soutien en faveur d’Akilee-SA ! Vite dénoncée par d’autres membres du Club, qui disent avoir appris l’existence de la motion, par voie de presse, la fameuse motion vient d’être (retirée) provisoirement, en attendant une prochaine réunion d’explication qui risque d’être houleuse. Certains membres, dont Abdou Rahmane Ndiaye, viennent de démissionner du Club, qu’ils jugent “ne plus correspondre aux options initiales de la structure”.

Le CIS est aujourd’hui, au bord d’une implosion qui semble inévitable. Au niveau interne, le nouveau Directeur général de la Senelec, Pape Mademba Bitèye opte, visiblement, pour la renégociation du contrat, alors que le ministre son ministre de tutelle, Mouhammadou Makhtar Cissé, qui avait signé le contrat en février 2019, en tant que Directeur général à l’époque, n’entend guère revenir sur une affaire, qu’il considère comme déjà close depuis le 11 février 2019.

Une sorte de bras de fer profile ainsi à l’horizon, entre le DG actuel et son prédécesseur, en même temps ministre de tutelle.

Les syndicats, qui défendent la même position que l’actuel DG, se posent plusieurs questions

-pourquoi externaliser une activité, qui pourrait être faite en interne?

-pourquoi signer un contrat de dix ans, avec un partenaire qui se procure les mêmes compteurs intelligents, auprès de l’ancien fournisseur de la Senelec ?

– pourquoi avoir dissimulé le contrat, lors de la tenue du Conseil d’administration de validation ?

Faute d’avoir des réponses plausibles à ces interrogations, ils ont fini par déposer une demande d’audit et de contrôle, auprès des services de contrôle de l’État, notamment la Cour des Comptes, l’Inspection générale d’État ( IGE), l’ARMP( l’Agence de régulation des marchés publics) et l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption).

En attendant, chaque camp fourbit ses armes et se prête à une bataille d’opinion qui risque de porter préjudice à l’État du Sénégal en tant que tel. Or, dans cette guéguerre qui pollue l’atmosphère suffisamment infectée par le Coronavirus, il appartient, au seul arbitre du combat, qui ne peut être que le chef de l’État, de siffler la fin de la récréation avant que cela ne dégénère en scandale, dont le Sénégal n’a pas besoin, dans les temps qui courent.

Compte tenu du degré d’implication des syndicats-maison et les organisations de la société civile, il serait difficilement envisageable d’éviter, la renégociation du contrat voire sa résiliation.