Le procès du directeur de cabinet du président Felix Tshisekedi, Vital Kamerhe témoigne d’un duel au sommet de l’Etat, et/ou plutôt du pouvoir, naguère feutré, et maintenant ouvert entre les alliés que sont l’ex-président Joseph Kabila et le nouveau.

L’arrestation spectaculaire de Kamerhe-qui demeure directeur de cabinet du chef de l’Etat, d’abord, son maintien en détention et, ensuite son procès -qui est en cours-sont des faits incontestables et graves qui mettent en exergue une bataille politique violente qui empoisonne le pays. Et fragilise le nouveau pouvoir issu d’un deal entre le président sortant et celui déclaré élu.

Le ministre de la justice et Premier vice-président Celestin Tunda Ya Kensede mène la charge contre Kamerhe. C’est lui qui a choisi de le maintenir dans les liens de la détention, de constituer l’Etat comme partie civile et de l’enfoncer au niveau du tribunal dans ce procès pour détournement de deniers publics, à hauteur de 50 millions de dollars.

Cette somme importante faisait partie de la cagnotte dégagée pour les travaux (notamment de construction de logements sociaux) dans le contexte des « cent jours » du nouveau président Tshisekedi.

Il y a certainement eu corruption et détournement de deniers publics, comme il est de coutume dans ce pays, mais si l’entente cordiale entre Kabila et son successeur était encore solide, les développements judiciaires actuels n’auraient pas eu lieu.

Kabila a trouvé une opportunité, avec cette affaire, pour faire chanter son « allié ».

Son clan qui a mis en coupe réglée le pays pour y bâtir un « empire économique scandaleux » est en position de force face au président Tshisekedi qui vit une situation de cohabitation :il est minoritaire à l’Assemblée et au Sénat, largement, ainsi qu’niveau des exécutifs régionaux.

Avec 341 députés sur 500, contre 47 pour le président Tshisekedi, le pouvoir dans cette drôle de cohabitation -qui ne dit pas son nom- penche incontestablement du côté du président sortant qui a su assurer ses arrières.

Au fond, Kabila a bien négocié son faux-départ du pouvoir en devenant sénateur à vie, avec un parti, le front commun pour le Congo(FCC) qui contrôle tous les leviers de l’Etat, à l’exception de la présidence.

Tshisekedi a accepté un deal qui lui permet de réaliser un rêve qui s’est dérobé, si on peut dire, à son défunt père Etienne. Le procès de son allié et directeur de cabinet Vital Kamerhe le ramène à la réalité de son état de faire-valoir. Kamerhe pris la main dans le sac devient un otage politique pour, peut-être un nouveau marchandage.

Le vrai pouvoir est toujours entre les mains de Kabila et de son clan qui ont été assez intelligents pour s’écarter, laisser le poste de président de la République, pour éviter une offensive politico-économique de la communauté internationale qui leur serait fatale ; et continuer à tenir le pays d’une main de fer.

Pour le moment la « coalition de circonstance » entre Kabila et Tshisekedi ne tient qu’à un fil, mais qui peut être solide, s’il est mesuré par rapport à la volonté de s’accrocher à un fauteuil présidentiel plus virtuel que réel du fils d’Etienne Tshisekedi.

Felix Tshisekedi acceptera -t-il de boire le calice de l’humiliation politique jusqu’à la lie ? Le procès de Kamerhe sera-t-il, au bout du compte, un psychodrame ? D’ores et déjà, il étale, au grand jour, les faiblesses congénitales d’une « coalition » boiteuse et hors sol.