Deux opposants congolais d’envergure, Martin Fayulu et Moïse Katumbi, viennent de sceller une alliance pour dissuader le président Félix Tshisekedi de tenter de modifier la Constitution afin de pouvoir « briguer un troisième mandat ».

S’il est vrai que Tshisekedi a posé des jalons pour susciter un débat sur une éventuelle révision de la charte fondamentale, consacrée depuis 2006 à la suite de longues discussions entre les acteurs politiques congolais, avec le « facilitateur », l’homme d’État sénégalais Moustapha Niasse, et le juriste El Hadj Mbodj, éminent constitutionnaliste, le président n’a pas encore clarifié sa position sur cette question.

Toutefois, sa démarche paraît suspecte aux opposants, qui flairent une volonté de prolonger son bail présidentiel. Le deuxième et dernier mandat du chef de l’État s’achève en décembre 2028.

Cette échéance semble encore lointaine, mais les opposants Fayulu et Katumbi, qui sont pour ainsi dire des « chats échaudés », ont perdu les dernières élections présidentielles à la suite de péripéties déplorables. En 2018, Fayulu avait été déclaré vainqueur par… Jean-Yves Le Drian, alors ministre français des Affaires étrangères, avant que la victoire officielle ne soit attribuée à Tshisekedi.

Fayulu, opposant radical, avait ainsi été écarté, et le sera encore cinq ans plus tard contre le même adversaire. Quant à Katumbi, il a subi de nombreuses persécutions judiciaires de la part du prédécesseur de Tshisekedi, Joseph Kabila, qui s’était opposé, par des moyens illégaux, à sa participation aux élections de 2018.

En 2023, Katumbi a réussi à participer à la bataille présidentielle après sa rupture avec Tshisekedi et sa coalition, « l’Union sacrée ». Il sera officiellement battu par ce dernier, qui rafle plus de 73 % des voix. Katumbi arrive en deuxième position avec 18 %, et Fayulu troisième avec 5 %. Ces chiffres sont peu crédibles en raison des nombreux incidents qui ont émaillé l’organisation du scrutin.

La question est de savoir, du reste, si une solution est possible pour organiser des élections crédibles en R. D. Congo, un pays immense (aussi grand que toute l’Europe de l’Ouest), avec peu d’infrastructures de transport et de nombreuses régions où sévissent des conflits sanglants.

Les rébellions, dont celle menaçante du M23 soutenu par le Rwanda, ne cessent de gagner du terrain face à une armée congolaise mal organisée, mal équipée et souvent mise en déroute.

Les opposants congolais ne cessent de dénoncer le manque de réponse efficace de la part de l’État, qui « laisse s’installer des territoires sous contrôle rebelle ».

L’insécurité est un défi monumental à relever, car de nombreux mercenaires et aventuriers sont attirés par les ressources minières fabuleuses de la R. D. Congo. L’instabilité est, ici, comme dans beaucoup d’autres régions du continent africain, fille de la richesse.

Les luttes politiques ne sont plus seulement nationales. Les puissances mondiales se télescopent à Kinshasa, où diamant, coltan, or et autres minerais stratégiques attisent toutes les convoitises. Cette manne explique la volonté des uns et des autres de se battre pour rafler le jackpot du pouvoir.

2028 semble encore loin, mais les candidats à la candidature commencent à se bousculer dans le landerneau politique. Le refus de la révision constitutionnelle soude les opposants, que rejoint l’ex-président Joseph Kabila.

Mais l’actuel président a bien le droit d’engager une éventuelle révision, qui peut s’opérer par un vote des 3/5e du Parlement ou par voie référendaire. D’ailleurs, en 2011, Kabila avait initié une révision constitutionnelle en passant par le Parlement.

Pourquoi s’y oppose-t-il aujourd’hui ?

Le président Tshisekedi a annoncé la mise sur pied d’une commission en 2025. Cette nouvelle année arrive au galop et va rapprocher l’échéance présidentielle de trois années.