La Cour pénale spéciale (CPS) centrafricaine, ouvre son premier procès ce mardi à Bangui, sept ans après son inauguration. La CPS est un tribunal hybride composé de magistrats nationaux et internationaux chargés de juger les crimes de guerre et contre l’humanité commis depuis 2003.
Créée en 2015 par le gouvernement avec le parrainage de l’ONU, mais dont les travaux ont été lancés seulement en octobre 2018 avec les premières enquêtes, la CPS – composée de juges et procureurs nationaux et internationaux originaires notamment de France, du Togo et de RDC – va audiencier ce mardi, son premier procès afin de juger pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, commis en mai 2019, Issa Sallet Adoum, Ousman Yaouba et Tahir Mahamat.
Membres d’un des plus puissants groupes armés qui terrorisent les populations depuis des années, les 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation), ils sont accusés du massacre de 46 civils dans des villages du Nord-ouest du pays.
L’ouverture de ce procès – qui ne fait l’objet d’aucune publicité par le gouvernement alors que des ONG internationales et des juristes étrangers le qualifient d’ « historique » – survient exactement cinq mois après l’arrestation par des policiers de la CPS du ministre de l’Elevage et ex-chef rebelle Hassan Bouba dans son ministère à Bangui.
Si la CPS n’avait pas précisé les raisons de son inculpation, l’ONG américaine The Sentry, spécialisée dans la traque de l’argent sale qui finance les guerres, affirmait qu’il était directement responsable de l’attaque d’un camp de déplacés en novembre 2018 qui s’était soldée par la mort d’au moins 112 villageois dont 19 enfants.
« La CPS se heurte à des obstacles dressés par le pouvoir, parfaitement illustrés par l’affaire Hassan Bouba », déplore Nicolas Tiangaye, avocat et porte-parole de la Coalition de l’opposition-2020 (COD-2020), cité par l’AFP. Le COD-2020 regroupe la quasi-totalité des partis de l’opposition non armée.
Selon ses détracteurs, la CPS ne peut même pas compter sur le soutien des 14.000 Casques bleus de la Mission de maintien de la paix de l’ONU en Centrafrique (Minusca), alors que les Nations unies en sont le parrain et le principal bailleur de fonds. La CPS dispose d’un budget annuel de 12 millions d’euros, principalement fourni par l’ONU, l’UE et les Etats-Unis.
La CPS est aussi affligée par une logistique défaillante qui n’a pas aidé à sa mise en place extrêmement longue – les deux derniers juges étrangers ont pris leurs fonctions en février et « des postes clés de la CPS restent vacants et difficiles à pourvoir », déplore l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un récent rapport.