Entre déni et volonté de couvrir d’un voile pudique un phénomène qui fait tache sur le pays, les autorités mauritaniennes n’en finissent pas d’essayer d’éradiquer le fléau de l’esclavage.

De toute évidence l’esclavage, sous diverses formes, continue de miner la société mauritanienne et l’ouverture vendredi d’une nouvelle cour criminelle spécialisée dans les affaires d’esclavage le confirme.

Des enseignements religieux et des engagements internationaux

Le ministre de la justice Brahim Ould Daddah, qui a présidé la cérémonie officielle d’inauguration, affirme que cette initiative « traduit les enseignements de notre sainte religion l’Islam, et les engagements liés aux traités internationaux que la Mauritanie a ratifiés ».

Il s’agit aussi d’un acte important dans la mise en œuvre de la « feuille de route » élaborée avec l’assistance de l’ONU qui avait été adoptée le 6 mars 2014 par le gouvernement de Nouakchott avec l’objectif d’éradiquer l’esclavage et ses séquelles.

Depuis lors, trois cours criminelles spécialisées dans la lutte contre l’esclavage ont été érigées à l’Est, au Sud et au Nord du pays.

Cette démarche qu’il faut mettre au crédit de l’Etat mauritanien dans sa lutte contre l’esclavage est aussi un aveu. L’esclavage, qui avait été aboli officiellement en 1980 avant d’être considéré comme « un crime contre l’humanité » en 2015, demeure dans une société toujours en proie à des questions identitaires, ethnicistes et esclavagistes.

Si tel n’était pas le cas, il ne serait pas pertinent de bâtir des institutions judiciaires pour combattre le phénomène.
L’Etat mauritanien doit donc arrêter de jouer à cache-cache avec ses propres principes tout en collaborant avec l’ONU pour…éradiquer l’esclavage et ses séquelles. Où est la cohérence ?

Le problème est que les autorités mauritaniennes sont gênées aux entournures par une situation qui est moralement et politiquement indéfendable.
Un « crime contre l’humanité » est un phénomène abominable qui renvoie à des époques barbares que l’on voudrait ensevelir dans les profondeurs de la mémoire. Mais faire face pour combattre l’esclavage et ses métastases de manière résolue et persévérante est beaucoup plus courageux et conséquent. La lâcheté n’a jamais été une solution pérenne, le déni de réalité non plus.

La Mauritanie a un défi à relever et elle en a heureusement conscience.

Conscience du défi à relever

Du reste elle n’est pas le seul pays concerné par ce fléau qui gangrène d’autres pays africains et ceux d’autres continents sous des formes multiples.

La communauté internationale a l’obligation politique d’identifier tous les Etats concernés pour les accompagner dans leur action pour éradiquer l’esclavage si telle est leur volonté.
Si tel n’est pas le cas, il est impératif de les dénoncer et de les combattre pour y restaurer la dignité humaine, le respect des droits de l’homme et la démocratie.

L’esclavage est un crime contre l’humanité et aucune complaisance ne saurait être tolérée à son égard. Les Etats qui sont complices d’une manière ou d’une autre doivent être mis au ban de la communauté internationale.

La Mauritanie, manifestement, semble faire des efforts qui méritent d’être reconnus et encouragés.

 

 

Crédit image : Brahim Ould Daddah, ministre de la Justice mauritanien. © Agence Mauritanienne d’Information (AMI).