Heures supplémentaires impayées, salaires en dessous du SMIG, absence de couverture maladie ou non-respect des termes des contrats… les droits de plusieurs catégories de travailleurs sont bafoués au Maroc devant l’impuissance des autorités en charge de la régulation du marché du travail dans le pays. Des dépassements qui se sont accentués avec le développement économiques important que connait le Royaume depuis quelques années et qui ne se traduit toujours pas sur le plan social. Insistant à plusieurs reprises, dans ses discours, sur l’importance de voir ce développement économique se répercuter positivement sur le quotidien des Marocains, le Roi Mohammed VI a fini par reconnaître l’échec de l’actuel model de développement et appelé à l’élaboration d’un nouveau avec la participation de tous les acteurs de la société.
Le secteur privé sur le banc des accusés
L’économie marocaine a connu un développement rapide ces dernières années. Tiré par ce qu’on appelle désormais les métiers mondiaux du Maroc (industrie automobile, aéronautique, offshoring…) ainsi que par l’industrie des services (secteur bancaire et tourisme), ce développement économique peine toujours à se traduire par une meilleure inclusion sociale. Selon plusieurs statistiques, aujourd’hui seulement 10 % de la population active arrive à toucher un revenu supérieur à 1000 dollars par mois. En effet, une grande partie des travailleurs continue à toucher un revenu équivalent au Salaire minimum (240 dollars), voire moins dans certains cas.
Dans une interview accordée récemment à un journal marocain, Abdellah Alaoui Mdaghri, président de Fédération Nationale Des Entreprises De Travail Temporaire (Fnett) avait affirmé que certaines entreprises emploient des agents, payés parfois au SMIC, sans déclarer la totalité de l’effectif en activité. C’est une manière illégale dont ces sociétés font usage pour diminuer les charges. « Dans le secteur de la sécurité, régi par des règles qui diffèrent de celles de l’intérim, nous pouvons nous retrouver face à une situation où les agents sont payés parfois à moins de 2000 DH, alors que les entreprises qui les emploient les facturent à plus de plus de 2500 DH. Puisqu’ils ne sont pas déclarés, ils procurent à ces entreprises environ 1000 DH de gain mensuellement. Un gain qu’une entreprise structurée ne pourra jamais atteindre », avait-il précisé.
Selon plusieurs témoignages recueillis par « Afriqueconfidentielle », les conditions de travail dans certains secteurs, notamment celui de la sécurité, sont très difficiles. Employant des diplômés du baccalauréat en général, ce secteur a connu un grand boom depuis le changement des réglementations et l’imposition de la présence d’agents de sécurité dans certaines institutions telles que les agences bancaires ou de transfert de fonds. Dans certains cas, ces employés peuvent travailler plus de 12 heures par jours pour un salaire mensuel ne dépassant pas les 200 dollars par mois devant l’impuissance des autorités. Les sanctions mises en place par les régulateurs ne sont pas dissuasives. En effet, les contraventions sont de l’ordre de 300 DH et plafonnées à 20000 DH dans les cas les plus extrêmes, nous confient un inspecteur de travail relevant du ministère de l’emploi.
L’offshoring et l’automobile ne sont pas épargnés
Ils seraient pas moins de 70000 marocains et étranger à travailler dans des centres d’appels au Maroc. Considéré comme l’un des métiers mondiaux du Maroc, le secteur de l’offshoring a été l’un des secteurs choisis par le Maroc pour tirer la locomotive de l’économie. Fortement employeur, ce secteur a fini par devenir un synonyme de la précarité de l’emploi. En effet, pour des salaires commençant à 3500 dirhams, des milliers de jeunes marocains, des étudiants notamment, optent pour ce genre d’emploi le temps de terminer leurs études universitaires. Seul hic, les conditions de travail sont éprouvantes. « On passe 8 heures de travail par jour avec une petite heure de pause pour terminer la journée avec les oreilles en bouillie » nous a confirmé Zakaria, un ancien employé d’un centre d’appel reconverti dans le commerce.
Cette situation touche également d’autre secteur comme l’industrie automobile. Intéressés par les avantages fiscaux proposés par le gouvernement marocain ainsi que le cout compétitif de la main d’œuvre, plusieurs grandes entreprises spécialisées dans la production des équipements automobiles se sont installées au Maroc. Toutefois et malgré tous ces avantages, la législation du travail n’est pas toujours respectée. En 2018, les employés de l’équipementier américain Delphi, actif dans le secteur de l’automobile, reprochaient à leur employeur de ne pas avoir respecté leur ancienneté lors du changement de dénomination de l’entreprise en leur faisant signer de nouveaux contrats. Actant, en 2017, la scission de ses activités au niveau mondial avec d’une part celles liées au train roulant (amortisseurs) qui garde le nom Delphi et celle dédiée au câblage automobile qui prend le nom d’Aptiv, l’entreprise avait, selon plusieurs témoignages, tenter d’effacer l’ancienneté de ses employés avant de faire face à un fort mouvement de protestation.
La précarité de l’emploi gagne la fonction publique
A un moment où la fonction publique était un choix professionnel caractérisé notamment par une certaine sécurité de l’emploi, le gouvernement marocain a fait, il y a trois ans, le choix d’expérimenter un nouveau mode d’emploi notamment dans le secteur de l’éducation nationale. Recrutant plusieurs milliers d’enseignants par le biais de contrats à durée déterminée, le ministère de l’Education nationale s’est rapidement retrouvé devant l’un de plus grand mouvement de protestation de son histoire.
Dénonçant les termes des contrats, jugés abusifs, les enseignants contractuels s’étaient révoltés contre ce qu’ils avaient appelé « la précarité de l’emploi ». Devant l’ampleur des protestations le gouvernement avait fini par se rétracter. Une solution a été trouvée en changeant les termes des contrats. Exigeant d’être affiliés au régime de la fonction publique, ces enseignants ont fini par obtenir le statut de fonctionnaires des Académies Régionales de l’Education et de la formation après une longue lutte de rue avec le gouvernement