Un animateur connu de radio-télévision au Mali a été inculpé et écroué, lundi à Bamako, après avoir déclaré qu’un ex-Premier ministre mort en détention il y a un an avait été « assassiné ».
Militant, polémiste et animateur aux nombreux sympathisants, Mohamed Youssouf Bathily, dit « Ras Bath », avait dit samedi que Soumeylou Boubèye Maïga « n’est pas mort, il a été assassiné, c’est le terme qu’il faut ».
Son inculpation et son placement sous mandat de dépôt ont été confirmés à l’AFP par deux sources judiciaires et par Sam Samabaly, un membre du Collectif pour la défense de la République, dont Bathily est porte-parole.
Les circonstances de la mort de l’ex-Premier ministre Boubeye Maïga, sont revenues dans l’actualité à l’approche du premier anniversaire de sa disparition, le 21 mars. Ce poids lourd de la politique nationale est décédé en détention malgré les appels pressants adressés par ses proches à la junte pour son évacuation vers l’étranger en raison de la détérioration de son état de santé.
Boubeye Maïga avait été entre 2017 et 2019 le Premier ministre du président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé en août 2020 par des colonels toujours au pouvoir aujourd’hui. Sa mémoire a été évoquée samedi lors d’une conférence censée marquer le retour en politique de son parti, l’Alliance pour la solidarité au Mali.
C’est là que s’est exprimé Ras Bath. Il n’a pas accusé directement la junte. Il a surtout reproché aux alliés de l’ex-Premier ministre leur inaction alors que, pour certains, ils participaient au pouvoir. « Personne n’a interpellé l’autorité », a-t-il dit.
L’animateur a été convoqué lundi par les policiers, avant d’être emmené au tribunal. Avant sa convocation, le Collectif pour la défense des militaires avait demandé à la justice de se saisir de ces déclarations. Les appels de cette organisation, l’un des soutiens les plus offensifs de la junte, sont souvent suivis d’effet. « Ras Bath serait-il un démon créé pour son peuple ? », demandait le collectif dans un communiqué.
Avant Ras Bath, un haut magistrat, Mohamed Chérif Koné, avait déclaré dans la nuit de jeudi à vendredi à la chaîne Joliba TV que M. Maïga avait « été ciblé » parce qu’il réclamait un retour rapide des civils au pouvoir, alors que les supporteurs de la junte « voulaient une transition sans fin ». Cet ancien avocat général à la Cour suprême avait été limogé en septembre 2021 après avoir protesté contre l’arrestation de l’ex-Premier ministre.
Sur Joliba TV, Mohamed Chérif Koné a accusé le président et le procureur général de la Cour suprême d’être « à la base de [la] tragédie judiciaire » subie par l’ex-chef de gouvernement. Ce dernier avait été incarcéré dans le cadre d’une enquête sur l’achat d’équipements militaires et sur l’acquisition d’un avion présidentiel en 2014, alors qu’il était ministre de la défense.