La témérité qui a poussé Choguel Maïga à interpeller les membres de la junte malienne sur la question de la transition politique, un sujet qu’ils semblaient éviter, lui a coûté son poste. Le Premier ministre a été brutalement limogé.
En agissant avec rapidité et fermeté, Assimi Goïta a voulu rappeler que la dictature imposée au Mali n’est pas théorique, mais bien réelle.
Choguel Maïga a appris à ses dépens qu’un pouvoir issu d’un coup d’État n’autorise pas la critique, encore moins venant d’un homme lige. En tant que Premier ministre de façade, il s’était volontairement mis au service d’un régime militaire sans vision ni solution, dans un Mali qui en a connu bien des crises depuis son indépendance.
Lors d’une rencontre avec le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko, alors en visite à Bamako, Maïga s’était permis d’affirmer que « la démocratie sénégalaise était théorique ». Curieusement, Sonko n’avait pas réagi. Aujourd’hui, alors qu’Ousmane Sonko vient de remporter un triomphe électoral démocratique, Choguel Maïga subit une destitution brutale par ses maîtres putschistes.
Démis avec son gouvernement, Maïga va désormais méditer sur ses propos déplacés. La démocratie sénégalaise est une réalité, tout comme la dictature de la junte malienne. Les militaires au pouvoir, non élus, ont renvoyé celui qui avait été nommé et qui doit désormais rendre le tablier.
Depuis plusieurs mois, Choguel Maïga n’était plus associé aux décisions prises par la junte. Il était devenu un simple faire-valoir dans un gouvernement dominé par des militaires grisés par le pouvoir, peu enclins à céder leur place à des civils. La transition démocratique n’était plus évoquée, surtout depuis que le Mali, accompagné du Burkina Faso et du Niger, a quitté la CEDEAO.
En parallèle, les membres de la junte se sont autoproclamés généraux, dans une démarche illégitime. Ce contexte a relégué Maïga au rôle de spectateur impuissant. Aujourd’hui, il quitte la Primature pour redevenir un citoyen ordinaire.
Va-t-il rejoindre les rangs de l’opposition ? L’osera-t-il ? Il reste à voir si cet ancien supplétif, dévoué à la junte pendant des années, sera accepté par ceux qu’il a trahis.
Durant son mandat, Choguel Maïga a fermé les yeux sur de nombreuses dérives de la junte. Il n’a pas bronché lorsque l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga a été emprisonné, torturé, et finalement mort en détention. Il n’a pas protesté face aux arrestations illégales d’opposants, dont beaucoup sont encore derrière les barreaux.
Son départ reflète une page sombre de la politique malienne, où les militaires continuent de réprimer toute dissidence et de museler la presse.
Un Mali en crise
Le Mali est confronté à une dictature militaire, un défi que ses citoyens ont déjà surmonté à plusieurs reprises. L’histoire récente du pays est marquée par une alternance entre coups d’État militaires et transitions démocratiques.
Depuis 1960, quatre coups d’État ont ponctué l’histoire du Mali. Moussa Traoré, lieutenant devenu général, a dirigé le pays pendant 22 ans avant d’être renversé en 1991 par Amadou Toumani Touré (ATT). Après une transition civile sous Alpha Oumar Konaré, ATT a été élu démocratiquement avant d’être lui-même renversé par Amadou Haya Sanogo en 2012.
Le cycle s’est poursuivi avec Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), élu démocratiquement avant le coup d’État de 2020 mené par Assimi Goïta.
La junte actuelle, dirigée par Assimi Goïta, Malick Diaw et les autres officiers, n’a montré aucune intention de céder le pouvoir. Leur destitution de Choguel Maïga traduit une volonté de consolider leur autorité et d’étouffer toute opposition, alors que la situation politique, sécuritaire et économique du pays se détériore.
Les forces russes, loin d’améliorer la situation, n’ont pas permis de stabiliser le Mali. Au Nord, les terroristes continuent de semer le chaos, tandis que la paix fragile du Sud peine à offrir une stabilité durable. L’économie est en crise, et le pays est plus divisé que jamais.
L’ancien Premier ministre devra réfléchir à son rôle dans cette séquence peu glorieuse de l’histoire malienne. Ayant collaboré avec un régime militaire et accepté ses dérives, il porte une part de responsabilité dans la situation actuelle.
Le Mali continue de chercher une issue à sa crise politique, entre les aspirations démocratiques de son peuple et les ambitions d’une junte militaire décidée à se maintenir au pouvoir.