Hier, mercredi 20 Octobre 2024, le premier ministre du Mali, Choguel Kokalla Maïga, a été demis de ses fonctions. On lui reproche ses critiques contre la junte qui selon lui, prend des décisions sans débat en conseil des ministres. Le chef du Gouvernement a dénoncé l’ostracisme dont il est victime dans son propre gouvernement.
UN GOUVERNEMENT DANS LE GOUVERNEMENT
Le premier ministre Choguel a élevé sa voix pour mettre fin à des pratiques malsaines qu’il subit dans son gouvernement. Nommé premier ministre, Monsieur Maïga est écarté de la gestion quotidienne des affaires de l’Etat. Tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président Assimi Goita et quelques uns de ses frères d’armes élevés au rang de généraux.
D’abord, le premier ministre et ses alliés n’ont jamais été consultés avant la prolongation de la durée de la transition. Cette décision non consensuelle a été prise par le “gouvernement militaire” qui gère l’Etat sur le dos du premier ministre civil de paille. Tous les dossiers importants de l’Etat sont gérés directement par Assimi Goïta en commençant par les contrats miniers, les contrats d’armement et les grands chantiers.
Ensuite, chaque jour, le premier ministre constate un renforcement des pouvoirs des membres de la junte au détriment des civils et de la classe politique du M5-RFP. Par exemple, le conseil des ministres qui s’était tenu ce 16 octobre 2024 à Bamako avait fait la promotion d’une dizaine d’officiers en commençant par le colonel Assimi Goïta. Quatre autres membres de la junte ont été promus au grade de général. Il s’agit de Malick Diaw, président du Conseil national de la transition, du ministre de la Défense Sadio Camara, Modibo Koné, le chef du renseignement malien et de Ismaël Wagué, ministre de la Paix et de la Réconciliation. Ces généraux promus constituent l’ossature du “gouvernement militaire” dans le gouvernement civil dirigé par Choguel, ainsi mis en minorité. Aucun militaire membre du gouvernement ou les ministres de souveraineté ne rendent compte à Choguel Maiga.
En réalité, le désormais ex-premier ministre n’était là que pour calmer la classe politique qui avait décidé de mettre sur pied un gouvernement parallèle. C’est à dire cette même classe politique qui exige la fin de la transition.
DES PROCHES DE CHOGUEL MAIGA EMPRISONNÉS PAR LA JUNTE
Il faut dire que le premier ministre a avalé trop de couleuvres en silence. Pour rappel, un proche du premier ministre a été condamné lundi 8 juillet 2024 à un an de prison ferme. Il était accusé d’avoir signé un document critique à l’égard de la junte. Ensuite, Boubacar Traoré avait été placé en détention le 28 mai 2024 après la publication d’un communiqué pour dévoiler son opposition ferme à un éventuel maintien des militaires au pouvoir pendant plusieurs années supplémentaires. Cette position a été confirmée par Choguel Maiga dans sa dernière déclaration. Boubacar Traoré était le signataire de ce document émanant de la faction du M5-RFP (Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques) restée fidèle au premier ministre Choguel Kokalla Maïga. A l’époque, le chef du Gouvernement avait accepté d’endosser le contenu du communiqué incriminé par la junte.
Malgré cela, il n’a pas été limogé. Ce proche de Choguel Kokalla Maïga, monsieur Boubacar Traoré sera condamné par le pôle de lutte contre la cybercriminalité du tribunal de Bamako pour « atteinte au crédit de l’Etat », « diffusion de propos mensongers de nature à perturber la paix publique » et « outrage à magistrat ». Donc, on peut dire que le limogeage du premier ministre est une suite logique de ces épisodes de crises politiques entre la junte et le M5-RFP. Ce n’est pas tout car, 11 hommes politiques de l’opposition ont été arrêtés par la junte, lors d’une réunion dans une résidence privée. Ces arrestations ont été dénoncées par la Commission nationale malienne des droits de l’homme. C’est le lieu de rappeler que l’ancien premier ministre Soumeylou Boubeye MAIGA est mort en détention en prison sous le magistère de Assimi GOITA qui avait refusé de lui accorder l’autorisation de sortir du territoire pour subir des soins malgré les diagnostics de l’institut Pasteur de Bamako.
IMAM MAHMOUD DICKO EN EMBUSCADE A ALGER
Farouche opposant de la junte, l’imam Mahmoud Dicko prépare sa vengeance contre les militaires au pouvoir. Suite à un conflit contre la junte, le religieux s’est exilé à Alger où il est accueilli royalement par le gouvernement Algérien en conflit ouvert avec Bamako qui avait dénoncé les accords d’Alger de Mai 2015. Depuis la capitale Algérienne, l’imam travaille pour réunir les forces politiques afin d’engager une bataille politique contre la junte. Le départ de Choguel Maiga ne fera que renforcer le camp anti junte. Petit à petit, la classe politique malienne se reconstitue pour lancer l’offensive contre une prolongation de la transition et contre la candidature d’un militaire à la prochaine présidentielle.
Toutefois, Choguel Maiga pourrait être arbitrairement arrêté par les militaires pour briser son élan et freiner toutes les initiatives de l’opposition politique. Les arrestations très nombreuses ont fait réagir les organisations de la société civile malienne.
Par ailleurs, Assimi GOITA fera face à plusieurs équations autour du choix du futur premier ministre et des membres du prochain gouvernement que tente de contrôler la junte.
LA STABILITÉ DE L’AES EN QUESTION
Bamako est la locomotive de l’Alliance des États du Sahel (AES). D’ailleurs, Assimi GOITA est le président en exercice de la Confédération de l’AES. Au Mali, cette crise politique autour de la durée de la transition n’épargnera ni le Niger ni le Burkina Faso. Car les classes politiques exigent la fin des transitions et la tenue d’élection présidentielle. Ce que les militaires n’entendent pas faire. Alors, il suffit que les acteurs politiques maliens gagnent par la rue le rapport de force face à la junte, pour que le Général Tiani et le capitaine Traoré se retrouvent dans une impasse chez eux par effet contagieux.