L’ancien Premier ministre était gravement malade. Tous les diagnostics l’ont confirmé. Mais les militaires au pouvoir voulaient en finir, car, sur le plan politique, Soumeylou Boubèye Maïga constituait une menace.
Dans le cadre de sa procédure judiciaire, les avocats de la défense avaient versé dans son dossier tous les éléments prouvant la maladie de l’ancien Premier ministre, et les mêmes documents avaient été remis aux autorités. L’état de santé de Boubèye Maïga était incompatible avec la prison, et il devait être transféré en Europe ou aux Émirats arabes unis pour être soigné.
Que disaient les médecins ?
Le dossier de Monsieur Soumeylou Boubèye Maïga, 67 ans, a été adressé à l’Institut Pasteur le 16 décembre 2021.
« Depuis 20 jours, le patient constate l’apparition d’un ictère franc, progressif et permanent.
- Les signes associés sont : urines foncées, prurit intense et généralisé. Devant ces signes, il a consulté le Dr Tounkara Makansiré, médecin militaire, qui, après un bilan biologique et scanographique, nous sollicite pour une prise en charge.
- Antécédents : coronaropathie pour laquelle il a été stenté en 2021 ; infection à l’hépatite C et hémoglobinopathie suivie par le Dr Fofana Youssouf.
- Examen : patient OMS I, poids de 75 kg, perte de poids de 15 % en 4 mois.
- Ictère intense.
- Pression artérielle : 110/70 mmHg.
- Présence de lésions de grattage.
- Pas de grosse vésicule ni de signe d’ascite.
- Biologie : cholestase à bilirubine directe et phosphatase alcaline élevées ; CA 19.9 = 119.
- Fibroscan : fibrose F4, cirrhose post-hépatite C. Alpha-foetoprotéine normale.
Imagerie : TDM et bili-IRM évoquent une tumeur du cholédoque d’allure maligne avec nodules hépatiques et pulmonaires suspects. Présence de lithiase vésiculaire.
Après concertation multidisciplinaire entre le radiologue Dr Koné Abdoulaye, le Dr Fofana Youssouf, le Dr Tounkara Makansiré, le Pr Toloba Yacouba et le Pr Togo Adégné, nous avons émis les hypothèses diagnostiques suivantes :
- Tumeur maligne du cholédoque avec envahissement hépatique et pulmonaire probable sur cirrhose.
- Lithiase vésiculaire avec syndrome de Mirizzi sur cirrhose post-hépatite C.
- CHC sur cirrhose post-hépatite C.
Pour confirmer ou infirmer ces hypothèses, il est indispensable de réaliser une tomographie par émission de positons (TEP scanner) et une cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) avec brossage et cytologie.
Conclusion des médecins
Ces deux examens, indispensables pour déterminer la stratégie thérapeutique, ne sont pas réalisables au Mali. La suite de la prise en charge de Monsieur Maïga nécessite un transfert vers un centre disposant d’un plateau technique adéquat.
Ensuite, le médecin-chef de l’infirmerie de l’hôpital de Bamako a adressé à Monsieur le Procureur de la République près la Cour suprême un certificat médical concernant M. Boubèye Maïga. Il écrit :
« Je soussigné, Pr Ouloguem Madani, certifie être le médecin traitant de M. Boubèye Maïga depuis deux ans dans le cadre de son suivi médical.
Il présente depuis une vingtaine de jours un tableau de cholestase pour lequel il a été admis à la clinique Pasteur pour prise en charge (ci-joint le rapport du compte-rendu d’hospitalisation avec la concertation pluridisciplinaire).
À l’issue de cette concertation pluridisciplinaire, son tableau clinique nécessite un plateau technique spécialisé dont nous ne disposons pas au Mali.
Sur le plan évolutif, le patient se dégrade de jour en jour avec une aggravation clinique manifeste et un pronostic vital engagé à court terme. »