La décision de la cour suprême du Kenya d’invalider les présidentielles du 8 août avait surpris mais avait aussi suscité l’espoir d’une ère nouvelle en Afrique où les « juges des élections » agiraient en toute liberté pour faire respecter le droit. Tout le monde attendait donc la publication en entier du texte de la Cour suprême pour justifier sa décision historique.

Et la déception est immense sauf pour les partisans de Raila Odinga dont les accusations de « piratage informatique » ont été prises en compte par les juges qui ne vont pas jusqu’à les valider. Ces derniers accablent la commission électorale qui n’a pas assuré une transmission électronique crédible des résultats. Ils ciblent le traitement des procès verbaux et les défaillances dans la chaine des transmissions.

L’assaut est violent et devrait logiquement conduire les juges à demander la dissolution de la commission. Ce qu’ils ne font pas. Ils exigent seulement que les mêmes organisent, à nouveau, un scrutin qui serait fiable et transparent. Avec quelle garantie ?

Il s’y ajoute que le délai de deux mois est loin d’être réaliste car la société française qui doit fournir le matériel électronique nécessaire a déjà fait savoir qu’elle ne peut le faire dans le délai exigé. Que va-t-il se passer ?

Déjà les partisans de Kenyatta sont vent debout contre les juges de la Cour suprême qui sont menacés. Ceux de Odinga persistent, à juste raison, dans leur demande de dissolution de la commission électorale. De facto, les juges créent le chaos dans un pays où élections riment souvent avec violence inter-ethnique. Ils ont ouvert la boite de Pandore en jouant les « courageux hésitants ».

Dans ce genre d’affaire, un jugement à la Salomon est impossible. On ne peut pas couper la poire en deux. Si la commission électorale est vraiment défaillante et/ou s’il y a piratage informatique ; alors il faut tout reprendre à zéro. Avec de solides garanties pour l’organisation d’un scrutin au-dessus de tout soupçon. Le Kenya en a-t-il les moyens ? Rien n’est moins sûr dans l’état actuel des choses.

Ramener sérénité et paix dans les esprits pour un scrutin apaisé est une gageure. La violence risque d’être au rendez-vous et quelque soit le vainqueur ; la surenchère verbale va perdurer. La république démocratique exige une justice indépendante qui reste dans ses prérogatives. Non des juges qui jouent leur propre carte politique et/ou pour devenir célèbres.

Les périls qui menacent la démocratie sont nombreux et le cas kenyan mérite d’être analysé à la loupe. La date du 27 octobre est un horizon proche. Sera-t-il respecté ? Sinon que va-t-il se passer ? Le compte à rebours a commencé.