Construit dans le centre de la Guinée, le barrage de Souapiti doit fournir en électricité un pays qui en manque cruellement. Sauf qu’il inondera au passage les terres ancestrales de milliers de paysans.
Dans un rapport publié jeudi, Human Rights Watch (HRW) estime à 16.000 le nombre de personnes déplacées par le barrage, dont les eaux vont recouvrir plus de 250 kilomètres carrés de terres et engloutir plus de 550.000 arbres fruitiers. Une cinquantaine de villages ont été évacués l’an dernier et des dizaines d’autres devraient suivre cette année, selon l’ONG.
Le barrage, un ouvrage d’un kilomètre de long et de 120 mètres de haut, aura bientôt une capacité de 450 mégawatts, de quoi en principe répondre aux besoins en électricité de la Guinée, où les coupures sont monnaie courante, et même d’en exporter vers les pays voisins.
Cette construction pharaonique est l’un des grands projets du président Alpha Condé, en butte depuis six mois à une contestation qui a fait des dizaines de morts. Son achèvement pourrait renforcer ses positions au meilleur moment si, comme l’opposition l’en soupçonne, il se présente à un troisième mandat à la fin de l’année.
« Ici, il n’y a pas de commerçants ou d’intellectuels. Nos enfants qui ont fait des études ne trouvent pas d’emploi. Nous vivons de cette terre », explique l’aîné du village de Bouramaya Sousou, cité par l’AFP.
Il promène son regard sur un champ d’arachide dévasté lorsque les ingénieurs du barrage ont fermé les vannes et inondé les terres alentour, lors d’un essai à quelques mois de la date prévue pour sa mise en service, en principe d’ici à la fin de l’année. « Nous avons faim », dit le vieil homme.
Les habitants des villages proches du barrage, le plus grand d’Afrique de l’Ouest, ne pourront pas rester. Certains ont déjà été déplacés vers de nouvelles implantations, plus modernes que leurs huttes de terre crue. Mais ils manquent de terres pour les cultures ou le bétail.
Paradoxalement, ils souffrent d’un manque d’eau. Dans le nouveau village Madina Tayire, ils sont une dizaine à attendre pour se servir à l’unique robinet en face de la mosquée. « Vous ne pouvez pas simplement arracher les gens de leurs terres ancestrales », dit le directeur de la communication de la Société de gestion et d’exploitation de Souapiti, Alphakaba Diakité. Selon lui, le projet a une vocation « sociale »: « changer la vie des personnes déplacées ».
C’est finalement un prêt chinois de 1,2 milliard d’euros au gouvernement de Conakry qui a permis de lancer les travaux du barrage en 2016. Ce projet s’inscrit dans un vaste programme du gouvernement chinois, doté de milliards de dollars, de construction d’infrastructures dans des dizaines de pays en Afrique, en Asie et en Amérique latine.