Rien ne va plus entre la junte militaire au pouvoir en Guinée et les autorités turques. La raison, c’est que le président de la transition guinéenne n’arrive pas à obtenir du gouvernement turc le retour de l’ancien président, Alpha Condé, officiellement parti en Turquie pour des soins médicaux.
L’ultimatum de 72 heures adressé aux autorités turques pour organiser le retour en Guinée d’Alpha Condé, sous peine de voir gelées les activités d’Albayrak, la société turque qui détient pour 20 ans la concession d’exploitation de la partie conventionnelle du port autonome de Conakry, a expiré. Et la junte militaire compte bien mettre ses menaces à exécution.
Ainsi, le mercredi 7 septembre 2022, les responsables de la société turque Albayrak ont été sommés d’arrêter toutes les activités. Mais après quelques tractations, le groupe avait été autorisé à reprendre du service. Mais lundi 12 septembre dernier, le directeur général d’Alport Conakry, Mustafa Levent Adali, et son personnel ont été encore sommés de quitter les lieux.
Une manière d’amener les autorités turques à permettre le retour de l’ancien président Alpha Condé, officiellement en séjour médical dans ce pays.
Le 17 janvier 2022, Alpha Condé s’était rendu à Abou Dhabi, aux Émirats Arabes Unis, pour ses premiers soins médicaux après sa chute. Il était rentré à Conakry en avril dernier. Les autorités saoudiennes s’étaient impliquées pour le retour de l’ancien président, contrairement à la Turquie qui semble traîner les pieds. Le président turc Recep Tayyip Erdogan est connu pour être un des amis de l’ex chef de l’Etat. Alpha Condé s’était envolé pour la Turquie le samedi 21 mai, au matin, à bord d’un vol spécial.
Conakry demande le retour du « citoyen Alpha Condé »
Le 9 septembre dernier, l’ambassadeur turc Volkan Türk Vural, s’était entretenu avec le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté. Le chef de la diplomatie guinéenne avait ensuite transmis au diplomate turc une « note verbale » destinée au président turc Recep Tayyip Erdogan, dans laquelle Conakry demande le retour à Conakry du « citoyen Alpha Condé ».
L’ancien président guinéen est sous le coup d’une procédure judiciaire pour crime de sang. Par ailleurs, les nouvelles autorités guinéennes ne semblent pas apprécier la dernière sortie médiatique de l’ex chef de l’Etat qui évoquait ses relations avec Mamady Doumbouya qu’il disait ne pas avoir nommé à la tête des Forces spéciales de l’armée guinéenne. Cette unité qui avait mené le coup d’Etat du 5 septembre 2021. Il y a également cette vidéo devenue virale, montrant Alpha Condé en train de dialoguer avec Denis Sassou Nguesso, le président du Congo, à Istanbul, également connu pour être un de ses grands amis. Autant de choses qui ont dérangé les nouvelles autorités guinéennes.
Pour l’heure, aucune réaction n’est notée de la part d’Ankara. Et l’on se demande si Recep Tayyip Erdogan va privilégier de couvrir son ami Alpha Condé, quitte à sacrifier les intérêts turcs en Guinée. Albayrak a investi des millions de dollars dans les infrastructures portuaires guinéennes.
En tout cas, côté guinéen, un retrait de la concession d’Albayrak, obtenue de gré à gré sous Alpha Condé, n’est pas exclu, même si un arrêt total des activités du port dans l’immédiat n’est pas envisagé, en raison de fortes conséquences économiques que cela pourrait avoir, dans un contexte de guerre en Ukraine avec toutes les difficultés d’approvisionnement que cela induit.
Mais les autorités militaires guinéennes pourraient également frapper d’autres intérêts turcs en Guinée pour contraindre Ankara à rapatrier Alpha Condé. Le bras de fer ne fait que commencer.