La Commission électorale nationale indépendante de Guinée

Au lendemain de la publication des résultats provisoires de l’élection présidentielle guinéenne, déclarant le président sortant, Alpha Condé, vainqueur avec 59% des voix, des commissaires de la Commission électorale indépendante ont dénoncé une fraude massive et des irrégularités dans la centralisation et la compilation des résultats du vote. Ils l’ont fait savoir dans une déclaration signée par le vice-président de l’institution, El Hadji Mamadou Bano Sow, et ont demandé la reprise totale ou au moins partielle du vote.  

Refus d’afficher les résultats, manque de transparence dans la remontée des procès-verbaux, disparitions, substitutions ou encore falsifications de PV, entre autres. C’est autant d’anomalies compilées dans le rapport des commissaires, notamment dans la région de la Haute-Guinée, réputée être un fief du pouvoir en place où certains taux de participation oscillent entre 98% et plus de 100%. Par ailleurs, constatent les commissaires de la CENI, peu de bureaux de vote ont été annulés, presqu’aucun bulletin nul dans cette zone rurale avec un fort taux d’analphabétisme.

En outre, soulignent-ils, lors de la totalisation des votes, « le nombre total de suffrages exprimés ne correspondrait pas à la somme des suffrages obtenus par l’ensemble des candidats ». Il y a aussi « l’implication de l’Administration dans tout le processus, au point d’en être, en réalité, le principal organisateur des élections en Guinée, en lieu et place de la Ceni, et le manque de recours contre les mauvaises décisions de la Ceni », indiquent-ils. Autant de raisons qui poussent les commissaires, auteurs de ce rapport à mettre sérieusement en cause la sincérité des résultats et à proposer « la reprise intégrale de cette élection, comme cela s’est fait au Malawi, ou tout au moins la reprise dans certaines circonscriptions où il y a un sérieux doute émis sur la sincérité des résultats ».

Avant eux, deux autres commissaires s’étaient retirés du processus de totalisation des voix, dénonçant de graves anomalies.

Cellou Dalein va saisir la Cour constitutionnelle

Dans un communiqué conjoint signé par l’Union des Forces Démocratiques de la Guinée et l’Alliance Nationale pour l’Alternance et la Démocratie, les deux entités rejettent les résultats publiés par la Ceni, appellent à la reprise des manifestations et annoncent qu’elles comptent saisir la Cour constitutionnelle.

Selon le communiqué, la CENI a validé « sans surprises les fraudes massives organisées après le scrutin, notamment lors des centralisations, et a déclaré Alpha Condé vainqueur dès le premier tour avec 59, 43% des suffrages exprimés ».

Le document souligne, aussi que « l’UFDG et ses alliés de l’Alliance Nationale pour l’Alternance et la Démocratie (ANAD) rejettent catégoriquement ces faux résultats et appellent les populations à se mobiliser pour défendre, par tous les moyens légaux, la vérité des urnes qui donne leur candidat vainqueur avec 53, 84% ». Et d’annoncer que « l’UFDG et ses alliés, sans se faire d’illusions, saisiront la Cour Constitutionnelle avec les preuves irréfutables issues des bureaux de vote, c’est-à-dire avant toute manipulation ou fabrication des faux PV, avant et pendant les centralisations ».

Une mission diplomatique internationale pour désamorcer les tensions

Une « mission de diplomatie préventive » de 2 jours est attendue à Conakry, d’ici demain mardi 27 octobre, pour tenter d’apaiser les tensions. Elle devrait être composée du président de la Commission de la Cédéao Jean-Claude Kassi Brou, de Mohamed Ibn Chambas pour les Nations unies, des commissaires aux affaires politiques de l’Union africaine, Cessouma Minata Samate, et de la Cédéao, le général Francis Behanzin. Cela, alors que l’opposant Cellou Dalein Diallo, crédité d’un peu plus de 33% des voix par la Ceni, a déjà dénoncé l’« indifférence coupable » de la part de la communauté internationale après les violences post-électorales qui ont causé près de 30 morts en Guinée, dont plusieurs jeunes tués par balles.

Pour rappel, la Cour constitutionnelle dispose de cinq jours après le dépôt des recours pour les étudier et proclamer les résultats définitifs ou annuler le scrutin.