La Guinée a commémoré, hier lundi 18 octobre, le triste souvenir des massacres perpétrés dans l’ex-camp Boiro de Conakry, où des milliers de personnes, civils et militaires, ont été tués sous le régime de Sékou Touré. Signe d’un pas vers la reconnaissance d’un crime d’Etat, les nouvelles autorités guinéennes ont pris part à cette cérémonie, représentées, notamment par le Premier ministre, Mohamed Béavogui. Ce qui n’avait plus été le cas, depuis plusieurs années, sous l’ère Alpha Condé.
Des centaines de personnes se sont rassemblées, hier lundi, dans l’ex-camp Boiro, pour commémorer les exécutions intervenues dans ce camp militaire le 18 octobre 1971.
Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1971, en effet, sous le régime de Sékou Touré, 71 personnes détenues furent exécutées sans procès. Des exécutions sommaires nocturnes perpétrées dans un contexte de répression. En cette année funeste, Sékou Touré mena une sanglante chasse aux sorcières contre ceux qu’il qualifiait d’« ennemis de l’intérieur » ou de «cinquième colonne ».
Des ministres et des hauts cadres avaient été alors tués cette nuit-là, à Conakry et un peu partout en Guinée ; notamment à Kindia et à Kankan, à l’Ouest et à l’Est du pays.
Hier donc, les victimes et enfants de victimes, ont commémoré les 50 ans de ces exécutions sommaires dans l’enceinte du centre de détention, devenu tristement célèbre.
Interdite ces deux dernières années, sous Alpha Condé, la cérémonie de cette année a été marquée par la présence du Premier ministre guinéen, Mohamed Béavogui, quireprésentait le chef de l’État, le colonel Mamadi Doumbouya. Le ministre, Secrétaire général de la présidence, ainsi que le directeur de Cabinet du président, étaient également présents.
« Nous venons partager avec vous tous ce difficile moment qui est un moment à valoriser. Le plus important, c’est qu’on veut une Guinée nouvelle et cette Guinée nouvelle sera basée sur une seule chose, la réconciliation. La Guinée se fera avec tous les Guinéens ou elle ne se fera pas », a déclaré Mohamed Béavogui, dans des propos rapportés par RFI.
Dans sa déclaration, le président de l’association des victimes du camp Boiro, Abdoulaye Conté, a remercié les nouvelles autorités guinéennes, qui, selon lui, ont facilité cette cérémonie qui leur avait été interdite ces deux dernières années.
Pour Fodé Marega, porte-parole de l’association des victimes du camp Boiro, la présence des nouvelles autorités représente un geste fort.
« C’est une journée formidable, une journée qui marque un départ parce que c’est la première fois que nous avons la visite des officiels de ce pays depuis la création [de l’association] en 1985. Là, c’est le Premier ministre qui s’est déplacé, représentant le chef de l’État. Il a répété qu’il fallait assumer notre passé […] Ca représente vraiment une avancée notable dans le règlement de notre combat. Donc c’est le soulagement aujourd’hui, il était extrêmement important qu’ils viennent marquer le changement politique dans ce pays », a-t-il dit.
Les victimes et les enfants des victimes ontformulé une série de revendications remises au Premier ministre pour « la réhabilitation des différents camps de tortures, la sécurisation des charniers à travers le pays où son ensevelis nos parents, ainsi que la construction de sépultures dignes, permettant aux familles de s’y recueillir ; la restitution des biens saisis par le régime de Sékou Touré ».
Ce simple devoir de mémoire n’avait pas étéérigé au rang des priorités sous Alpha Condé, mais l’acte posé par les nouvelles autorités guinéennes, hier, pourrait être perçu comme un début de reconnaissance de crimes qui n’ont jamais eu de procès.