Alpha Condé n’en démord pas. Malgré la rafle d’opposants politiques organisée après son élection pour un troisième mandat très contesté, le président guinéen nie l’existence de prisonniers d’opinion dans son pays. Dans une large interview accordée au magazine panafricain Jeune Afrique, il affirme qu’il y a quelques responsables de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le parti de son principal rival, Cellou Dalein Diallo, arrêtés pour des faits très graves dont il détient toutes les preuves.

Dans un entretien fleuve qu’il a accordé à François Soudan de Jeune Afrique, Alpha Condé a abordé plusieurs sujets dont la situation politique toujours tendue en Guinée depuis les dernières élections du 18 octobre dernier et l’arrestation de plusieurs responsables de l’opposition après les manifestations qui avaient fait plus d’une dizaine de morts. Des arrestations tous azimuts dont il avait fait recours pour faire revenir le calme dans son pays, selon le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian

Mais le chef de l’Etat guinéen réélu pour un troisième mandat à 83 ans, nie l’existence de détenus politiques.

« C’est inexact. Les quelques responsables de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) arrêtés l’ont été en tant que commanditaires directs d’actes de violence commis tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays : maisons incendiées, destructions de biens publics, poteaux électriques sciés, assassinat des membres des forces de l’ordre, etc. », a tenté de justifier Condé.

 « Des appels au meurtre contre ma personne »

Selon le président guinéen, « il ne s’agit en aucun cas de prisonniers politiques, mais de fauteurs de troubles, coupables d’avoir envoyé contre la police des jeunes munis d’armes blanches, parfois de fusils et d’explosifs. Nous avons toutes les preuves et elles seront exposées lors des procès, y compris les appels au meurtre contre ma personne. Les Guinéens savent quelle est l’étendue de la responsabilité de ces gens dans les violences, et pas un chat n’a bougé lors de leur arrestation. Les jeunes manipulés et téléguidés ont, eux, pour l’essentiel, été libérés à l’issue de leur peine. »

Répondant directement au ministre français des Affaires étrangères, Alpha Condé déclare : « Quant aux leçons venues d’ailleurs, une simple comparaison : 3 200 gilets jaunes ont été condamnés en France entre novembre 2018 et novembre 2019, dont un millier à de la prison ferme. C’est beaucoup plus qu’en Guinée, pour des délits pourtant beaucoup moins graves ».

Quatre responsables de l’opposition sont déjà décédés en prison depuis septembre, dont le responsable de la communication de l’UFDG, Roger Bamba, mort en détention à la Maison centrale de Conakry, en décembre dernier.

Les avocats des opposants de l’UFDG ont saisi la CEDEAO

Les avocats des opposants de l’Union des Forces démocratiques de Guinée (UFDG), inculpés pour « fabrication et détention d’armes de guerre et atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation », ont d’ailleurs saisi la Cour de justice de la CEDEAO, il y a deux semaines.

Ils demandent à cette juridiction sous-régionale de se prononcer en urgence sur une procédure qu’ils jugent défaillante. Ils dénoncent la violation de la présomption d’innocence, des droits de la défense ; le manque de visibilité sur le calendrier judiciaire de ce dossier et le mauvais état de santé de ces opposants emprisonnés.