La dégringolade des prix du pétrole passés de 115 dollars le baril il y a un an et demi à moins de 30 dollars aujourd’hui est une catastrophe économique et politique pour le régime du président Obiang Nguema de Guinée Equatoriale.

Menace sur une manne financière

Au pouvoir depuis plus de trente-six ans l’actuel président est sérieusement menacé par cette dimunition brutale des recettes pétrolières qui permettaient au régime de se maintenir et d’imposer son autoritarisme depuis environ vingt ans sur la base de l’exploitation de l’or noir, véritable manne financière.

Au crédit d’Obiang Ngema il faut noter la réalisation de multiples infrastructures utiles comme les routes, les ports et aéroports du pays, des logements sociaux – en nombre certes insuffisants par rapport aux besoins et aux moyens financiers disponibles usqu’à il y a peu. Mais ces réalisations ont été surfacturés et ont permis ainsi d’enrichir des sociétés étrangères et des membres du régime.

Un fils encombrant ?

Obiang a beaucoup laissé faire avant d’imposer une charte des prix. Il a surtout pêché par son manque d’autorité vis à vis de son fils Obiang Mangué qui a défrayé la chronique notamment en France et aux Etats-Unis.Ses frasques et ses achats tape-à-l’œil de villas, immeubles, voitures de luxe et autres collections en tous genres ont fini par lui valoir une inculpation pour enrichissement illicite en France et aux Etats-Unis.
Dans ce dernier pays l’affaire a été réglée par un deal : renoncer à tous ses biens sur place en échange d’un arrêt des poursuites.

En France cependant les procédures continuent et il fait toujours l’objet d’une mise en examen confirmée par la Cour de Cassation, plus haute juridiction civile hexagonale.

Moins d’argent, plus de spleen

Le président Obiang a profité de la richesse de son pays pour jouer la carte de l’ouverture internationale, en accueillants des sommets, des conférences et toutes sortes de rencontres en Guinée Equatoriale pour donner une bonne image au pays tout en imposant sur le territoire national une main de fer.

Aujourd’hui avec l’argent qui tarit, la rigueur s’impose d’elle même : chantiers à l’arrêt, entreprises fermées, projets suspendus. Le spleen a gagné la Guinée Equatoriale.

Inquiétude du régime

Les autorités étaient déjà paranoiaques. Elles sont désormais inquiètes.
Plusieurs tentatives de coup d’Etat avortées expliquent cet etat de fait. L’absence de pluralisme est le facteur numéro un pour comprendre la situation qui prévaut dans le pays.
Trois partis d’opposition sont répertoriés mais un seul est représenté à l’Assemblée nationale…avec un seul député ! Il s’agit du CPDS.
La presse est quasi inexistante. Les mouvements syndicaux sont interdits. Les leaders de l’opposition véritable sont en exil, à l’instar de Severo Moto, opposant historique.

Dans ce contexte spécifique,le danger vient d’abord des gens du régime eux-mêmes qui ne s’en mettent plein les poches en lorgnant du côté des dépenses fastueuses de la famille présidentielle.

La fragilité d’un régime vampirique

Il y a déjà le patrimoine en propriétés immobilières dans le pays et à l’étranger, les comptes bancaires disséminés à travers le monde qui font jaser à Malabo et Bata, les deux plus grandes villes du pays.
S’il faut serrer la ceinture, beaucoup vont se rebiffer et le président Obiang sait que malgré les verrous posés en nommant son fils et ses deux frères Armingol et Mba Nguema – ministres respectivement de la Sécurité publique et de la Défense – tout reste fragile.

La fidélité des gens de Mongomo est essentielle pour la survie du régime. Elle peut vaciller si les largesses diminuent avec les avantages acquis. Par ailleurs la communauté Fang, largement majoritaire, n’est pas homogène. Certains qui ne sont pas de Mongomo – région natale du président et de sa première femme – s’estiment laissés pour compte. Leur ressentiment est vivace.

Elections en vue et nouvelles forces en présence

Si le régime réussit à manager la situation jusqu’aux élections générales prévues cette année – Obiang est déjà candidat désigné par son parti le PDGE lors de son congrès du mois de Novembre – il devra faire face à une opposition très déterminée, menée par la CORED dirigée par le jeune Raimundo Ela Sang, réfugié politique en France.
Ce jeune ingénieur formé au Maroc a des soutiens en France, en Espagne et en Allemagne. Des tentatives de faire imploser son mouvement ont déjà eu lieu. Elles ont provoqué des scissions. Mais la détermination demeure, et l’objectif proclamé est de profiter du contexte de crise et de l’organisation des élections pour attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation politique de la Guinée-Equatoriale. Et essayer de forcer le régime à organiser des élections démocratiques et transparentes.

Une bataille générationnelle

Raimundo Ela Sang a été reçu à la cellule africaine de l’Elysée et devrait l’être aussi à Berlin. Si ce jeune intéresse les Européens c’est parce que ces derniers estiment que la prochaine bataille politique en Guinée Equatoriale sera aussi générationnelle.
A 73 ans le président pense à cèder son fauteuil à son fils Obiang Mangue mais celui-ci est bloque par ses ennuis judiciaires notamment en France.Le deal obtenu aux Etats-Unis est impossible en France.

Mais si Obiang souhaite se faire succéder par son fils, il ne semble pas vouloir se hâter.Il a le même âge que Sassou Nguesso au Congo ou encore Buhari au Nigéria. Obiang a donc du temps devant lui si sa santé le lui permet et que son autoritarisme continue de fonctionner. Avec beaucoup d’argent cela est a priori plus facile. Des caisses vides rendent le défi énorme.

La colère populaire gronde

Le danger menace le régime avec des coupures d’électricité récurrentes, des pénuries d’essence, toutes choses qui suscitent la colère des populations. La crainte du régime ne pèse plus comme avant. Les mouvements d’étudiants constatés l’année dernière, chose impensable auparavant, sont des signes annonciateurs de changement dans les mentalités. Cela révèle une crise profonde qui couve. Les fermetures de plus en plus fréquentes des frontières notamment lors du congrès du PDGE, le parti au pouvoir, démontrent également l’inquiètude et la nervosité du pouvoir.

Vers la fuite en avant du régime

Ce système autoritaire ne peut pas être réformé.Comme ceux de Kadhafi,de Ben Ali ou Compaoré il ne peut changer que par implosion ou explosion. A moins qu’Obiang ne prenne les devants et engage un véritable dialogue avec l’opposition, différent de celui déjà organisé et rejeté par les opposants dont les plus représentatifs avaient refusé de se rendre à Malabo pour des questions de sécurité personnelle.

La fuite en avant est ce qui se dessine et les exemples du Congo-Brazzaville, du Cameroun, du Burundi incitent Malabo à agir de même : continuer à confisquer le pouvoir. Pour Obiang et les siens c’est une question vitale. Ils ne sont pas prêts à transiger.