Une mésentente persistante au sommet de l’Etat a ouvert une crise politique majeure en Guinée-Bissau. Ce conflit qui dure depuis six mois oppose des membres du même parti : le PAIGC (Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert), formation historique qui a libéré le pays du joug colonial portugais.

Crise suite au limogeage de Pereira

Il y a d’un côté les partisans du président de la République José Mário Vaz élu en 2014 et de l’autre ceux de son ex-premier ministre Domingos Simões Pereira, président actuel du PAIGC. Les deux hommes sont donc camarades et militants de la même formation politique. Il n’en reste pas moins qu’ils se regardent en chiens en faïence depuis le limogeage de Pereira en tant que chef du gouvernement par le chef de l’Etat Vaz.

Cela s’est passé en 2015, après quatorze mois de travail en commun. Les députés du PAIGC – au nombre de 57 sur 102 à l’Assemblée nationale – ont dénoncé l’acte posé par le président Vaz. Il s’en est suivi une véritable bataille politique ouverte qui depuis paralyse le pays.

Fronde dans les rangs de l’Assemblée nationale

Une sortie de crise a été trouvée avec la nomination d’un nouveau premier ministre de consensus, sur proposition du parti PAIGC : Carlos Correia, un vétéran de 81 ans. Mais quinze députés frondeurs qui sont hostiles au chef de l’Etat se sont abstenus lors du vote à l’Assemblée nationale. Le soutien des quarante-et-un députés de l’opposition appartenant au parti PRS a empêché le nouveau premier ministre d’obtenir la majorité requise.

Non seulement les quinze députés frondeurs ont été exclus du PAIGC mais ils ont auussi été déchus de leur mandat par le Tribunal de Bissau le 27 janvier dernier.
Ils ont ensuite été remplacés par leurs suppléants, ce qui a permis l’adoption du programme du nouveau chef du gouvernement le 28 janvier.

Coup de théâtre et médiation internationale

Un rebondissement judiciaire le 9 février a tout remis en cause. Le Tribunal est en effet revenu sur sa décision concernant la destitution des quinze députés et a ordonné leur réintégration à l’Assemblée nationale. Les raisons de ce coup de théâtre sont encore obscures.

Face à cette situation grosse de dangers pour le pays et la sous-région, deux missions de médiation ont été diligentées par la CEDEAO et la Communauté des Pays de Langue Portuguaise (CPLP) les 10 et 11 février derniers. Toutes deux ont eu des discussions avec les autorités politiques et des organisations de la société civile sur cette crise persistante qui bloque toutes les Institutions du pays.
La tâche des médiateurs est ardue et le succès de leur mission est loin d’être garanti car la rencontre avec le président Vaz a été boycottée par le PAIGC.

Cette impasse politique a poussé le chef de délégation de la CPLP, le Mozambiquais Murade Isaac Miguigy Murargy à déclarer que « la solution se trouve entre les mains des Bissau-Guinéens eux-mêmes ».

L’ex-président du Nigéria, chef de la mission du groupe de contact de la CEDEAO a pour sa part été tranchant en s’adressant à ses hôtes : « La communauté internationale pourrait être fatiguée de vos crises qui n’en finissent pas ».

Un contexte national spécifique

La Guinée-Bissau est un pays où les militaires jouent un rôle politique important voire prépondérant depuis toujours. Ils ont libéré le pays de la colonisation et depuis lors font et défont les gouvernements. L’expérience démocratique y est très fragile. L’instabilité politique est chronique et l’emprise des narco-trafiquants réelle.

Dans ce contexte spécifique aucune crise n’est à minimiser. C’est ce qu’ont compris les médiateurs de la CPLP et de la CEDEAO. La Guinée-Bissau a besoin de l’aide internationale pour sortir de l’ornière. Le problème est de savoir si l’ensemble de sa classe politique a la même volonté d’agir en ce sens. A l’évidence d’aucuns ont des intérêts inavouables à défendre.

Des enjeux pour l’avenir

Les narco-trafiquants ont tissé des liens qui sont encore nombreux et solides malgré la lutte féroce qui leur est menée il y a maintenant un certain temps sur place.

La Guinée-Bissau aura beaucoup de mal à desserer seule l’étau dans lequel elle se trouve. Elle a besoin du soutien agissant de toute l’Afrique. Encore faudrait-il qu’elle commence par bâtir l’unité dans ses rangs et extirper de son sein les luttes intestines qui empoisonnent la vie de tous les jours des citoyens bissau-guinéens.

 

 

Crédit image : “Bissau3” Parliment par Colleen Taugher de Lewiston Idaho, Etats-Unis – Licence CC BY 2.0 via