Dans un communiqué publié vendredi dernier, le gouvernement gambien a annoncé l’interdiction de toutes les importations de bois jusqu’à nouvel ordre. Une mesure qui vise à empêcher que les bois rares, particulièrement le bois de rose, soient acheminés depuis  la Casamance au Sénégal.                     Ce trafic illégal de bois très demandé en Chine, joue un rôle important dans le conflit en Casamance, puisqu’il sert notamment à financer en partie les séparatistes du MFDC. 

La Gambie se veut ferme dans sa décision d’interdiction du bois selon la ministre de l’Environnement Rohey John-Manjang, qui justifie cette mesure par le besoin d’un cadre légal plus précis.

« L’interdiction a pour but de légaliser, ou de mieux contrôler les ventes et exportations illégales de bois de rose qui sont en train d’être saisis internationalement en ce moment », a-t-elle, en effet, déclaré dans son communiqué.

Il n’est donc plus question de faire sortir un seul rondin de bois du pays jusqu’à nouvel ordre, selon le gouvernement gambien. 

La société civile juge cette annonce encourageante, même si elle rappelle que la difficulté de faire respecter les précédentes mesures appellent à la prudence. Des membres de la société civile soulignent, en effet, que certains officiels sont impliqués dans l’exportation de bois. Un business assez lucratif qui s’estompe souvent le temps de l’effet d’annonce des interdictions pour reprendre de plus belle. 

Toute chose que reconnaît la ministre de l’Environnement qui veut toutefois gommer les erreurs du passé. « Comme je l’ai dit, beaucoup de choses ont eu lieu par le passé. Bien-sûr, il y a eu des failles. Ce commerce de bois, nous savons tous qu’il est international, c’est une chaîne très puissante, c’est comme un cartel de la drogue, c’est très difficile de l’arrêter. Mais nous devons être stratégiques, voir les défis et mettre en place des mesures qui nous permettront d’atteindre ce que nous désirons en tant que nation », a, en effet, souligné Rohey John-Manjang

Dans un rapport daté de 2020, l’agence d’investigation environnementale indique que depuis la dernière interdiction de 2017, la Chine a déclaré pour plus de 300 000 tonnes de bois de rose exportés depuis la Gambie. 

L’ancien président Yaya Jammeh au cœur du trafic

L’ancien président gambien Yahya Jammeh est d’ailleurs dans le viseur de la justice suisse pour trafic illégal de bois de rose.

Une affaire qui remonte à juin 2019 quand l’ONG suisse Trial International avait adressé une dénonciation pénale au Ministère public de la Confédération (MPC). En cause, un homme d’affaires suisse, Nicolae Bogdan Buzaianu, alors domicilié dans le canton de Fribourg, soupçonné d’avoir abattu illégalement, entre 2014 et 2017, des milliers de tonnes de bois de rose en Gambie et surtout au Sénégal, en Casamance. Un trafic qui aurait été organisé avec la complicité de l’ancien président gambien Yahya Jammeh, renversé en 2017.

La justice helvétique s’est finalement saisie de la plainte de l’ONG Trial International. En juin dernier, la Radio Télévision Suisse (RTS), a révélé que la Confédération avait fini par adresser une demande d’entraide judiciaire internationale au ministère gambien de la Justice. Selon Trial International, «l’exploitation illégale de ressources naturelles dans des zones en conflit peut être considérée comme un acte de pillage, qui est un crime de guerre selon le droit international et le droit suisse ». Jammeh et son acolyte suisse auraient empoché des millions de dollars dans ce trafic prohibé.