C’est ce mercredi 4 mai que Jean Ping va présenter son « Projet pour le Gabon ». Afrique Confidentielle l’a lu pour vous et vous en livre les grandes lignes en exclusivité.

Un ensemble décevant

Mal ficelé, truffé d’emprunts voire de plagiats, le projet du candidat Jean Ping est une mauvaise copie qui ne mérite pas la moyenne.

On pouvait attendre d’un prétendant à la magistrature suprême de son pays un texte beaucoup plus dense avec une argumentation solide, des propositions innovantes et surtout une vision qui ouvre l’horizon sur les décennies à venir. L’ensemble est au final très décevant.

Le texte manque de respiration, de souffle. Son auteur est aujourd’hui septuagénaire.
Surtout, le contenu sent le réchauffé.
On y trouve par ailleurs une forme de malhonnêteté intellectuelle, dommageable dans la mesure où elle est le fait d’un ancien ministre, donnant l’apparence d’un homme d’Etat.

“Tous les maux ont commencé il y a cinq ans”

Pour ne pas critiquer la gestion de feu le président Omar Bongo et ainsi éviter de s’autoflageller, lui qui a servi ce régime et s’en est beaucoup servi, Jean Ping décrète dans le texte de son « Projet pour le Gabon » que « tous les maux du [pays] ont commencé il y a cinq ans ». Le droit d’inventaire ne va pas au-delà pour l’ancien membre de gouvernement, qui ce faisant valide tout de même les deux premières années du mandat du président Ali Bongo.

Jean Ping décrit ensuite l’Apocalypse. Le Gabon serait un pays dont les « habitants vivent un cauchemar … où l’économie agonise ». Le personnage se révèle à travers les lignes du texte rongé par l’aigreur, la méchanceté et la volatilité. Des caractères qui tranchent avec l’image lisse qu’il donne habituellement à voir.

Après des affirmations péremptoires sans aucune démonstration pour les corroborer, l’économiste Ping assène : « il faudra donc bien que cela change … et comme disent de nombreux observateurs ça suffit comme ça ».

Manque de temps …et/ou de compétence

Qui sont ces observateurs ? Quels sont leurs arguments ? Sont-ils plus compétents que les jeunes Gabonais qui gèrent actuellement leur pays ? Ont-ils été élus par les Gabonais ?
Ces questions, M. Ping ne veut pas les poser, et encore moins les examiner.
Poursuivi par le temps, le candidat septuagénaire à la présidentielle se convertit en prophète de malheur armé de bombes verbales pour décréter le changement.

Et puisqu’il faut passer par la présentation d’un programme, Jean Ping s’essaie certes à l’exercice, mais avec pour résultat un texte sans rigueur aucune, sans avoir pris le temps nécessaire, voire sans la compétence requise.
Avoir été ministre et président de la Commission de l’Union africaine ne suffisent pas. Devenir chef d’Etat est un destin, une consécration qui est le fruit d’une rencontre entre un homme et un peuple. L’incantation n’y suffit pas non plus. Le pouvoir des mots a une limite qui est celle de l’acceptation et du choix libre des citoyens.

“Tout est de la faute du régime”

Jean Ping fait feu de tout bois. Tout y passe, du « blanchiment d’argent sale » au « pillage des ressources naturelles ». Le régime en place est pointé du doigt jusque dans son analyse de la crise économique mondiale, qui n’épargne pourtant aucun pays du monde et est durement ressentie par les pays producteurs de pétrole du fait de la chute des prix de l’or noir.

Sachant que la liberté d’expression est totalement garantie au Gabon, l’ancien ministre en use et en abuse, comptant sur le fait qu’il ne lui sera pas demandé de donner les preuves de ce qu’il avance.

En réalité, faute de pouvoir faire un diagnostic pertinent de la situation économique de son pays dans le contexte de la mondialisation, le candidat choisit la facilité qui permet d’occulter ses propres lacunes et carences en répétant sans cesse que « tout est de la faute du régime ». C’est là une stratégie des plus simplistes et les Gabonais ne vont pas mordre à l’hameçon, ayant vu Jean Ping à l’œuvre pendant des décennies.

Manque de vision

En lieu et place d’un projet, il fait un réquisitoire tellement enflammé qu’il en est décrédibilisé. L’amertume autant que l’aigreur et la rancune ont sans doute un rôle ici.

En guise de vision, Jean Ping répète au long du document des évidences consacrées dans presque toutes les constitutions. Rien ici d’un horizon, d’un cap indiquant le chemin de conquête de l’avenir pour mobiliser les citoyens patriotes.

C’est a contrario ce que le « Gabon Emergent » suscite, à travers des projets réalisables et en cours de l’être en termes d’infrastructures, de solution de problèmes sociaux et de redynamisation des différents secteurs de l’économie nationale. Les domaines de la santé et de la culture sont également concernés.
Les Gabonais constatent cela sur le terrain et vont trouver le texte de l’opposant Ping décalé et hors sol.

Plagiats et promesses impossibles à tenir

L’opposant cite des expressions empruntées à d’autres – sans citer les auteurs – comme « nouvelle citoyenneté », « refondre l’espace politique », démontrant un grand manque d’originalité.
Jean Ping promet par ailleurs d’ores et déjà « un Gabon à l’abri du besoin ». Quel pays peut prétendre l’être ? Les promesses faites doivent respecter les citoyens.

Le texte propose d’« instaurer la démocratie pluraliste et les libertés fondamentales » au Gabon qui en serait dépourvu, quand M. Ping peut exercer une liberté de s’exprimer réelle, créer son parti et se proposer de conquérir le pouvoir par des élections ?

L’ancien ministre et protégé de feu Omar Bongo se paie de mots. Il prétend qu’il va favoriser le dialogue social, veiller à la bonne gouvernance, et même réduire le nombre des partis après avoir augmenter celui-ci en créant le sien. La contradiction ne gêne pas Jean Ping.

Seulement dix lignes sur l’après-pétrole

Au lieu d’affirmer qu’il a pour objectif un « Gabon à l’abri du besoin », le candidat opposant au régime aurait été plus crédible s’il avait par exemple évoqué un Gabon plus prospère. Mais il n’a pas certainement écouté ses conseillers. On ne prépare pas l’avenir en jouant les alchimistes. Le futur est un combat de tous les jours pour changer le réel, non pas une fuite en avant dans l’incantation et les invectives.

Dans son projet décidément peu inspiré, M. Ping ne consacre que dix lignes – exactement – à l’après pétrole. Cette approche d’une légereté déconcertante témoigne de son manque d’ambition pour son pays et ses nouvelles générations.
Lorsqu’on parle d’après pétrole, c’est de l’avenir du Gabon dont il est question pour les décennies à venir. Même si de nouveaux gisements étaient découverts et exploités, la dépendance envers les revenus pétroliers constitue un risque majeur. Aujourd’hui, le pays premier producteur mondial lui-même, à savoir l’Arabie Saoudite, a décidé de diversifier son économie, et pour cause. C’est toute la fonction d’un projet tel que « Gabon émergent » qui répond à ces questions d’avenir au contraire du programme copié-collé de Jean Ping.

Pas un mot sur la Chine

Le programme du candidat démontre ainsi ses manques en termes d’analyse de la situation actuelle et de vision politique à long terme.

En vieux briscard de la politique, l’ancien ministre souligne « les relations avec la France et l’Europe » qu’il veut voir demeurer. Pas un mot néanmoins dans son programme sur la Chine, alors que M. Ping connaît bien les Chinois et les ambitions démesurées qu’ils ont en Afrique. Quelle stratégie avec ces investisseurs particulièrement voraces ? La volonté est ici clairement de ne pas se dévoiler.

En conclusion Ping propose aux Gabonais de réinventer la roue en établissant « une véritable démocratie », « en améliorant le quotidien des Gabonais », ou encore de « structurer le pays avec des projets d’équipement à la hauteur des enjeux du XXIème siècle ».

Au sens d’Afrique Confidentielle, il faut bien reconnaître que ce texte déçoit. Il n’est pas à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre d’un homme d’expérience comme Jean Ping.
L’homme est dans l’urgence, et encore en proie à la rancune. Le temps a certainement fait son œuvre, laissant voir des lacunes à la fois évidentes et regrettables.
Jean Ping aura avec ce projet démontré ses propres limites.

 

– MMD

 

 

Image : Le texte du programme de Jean Ping, qu’Afrique Confidentielle a pu se procurer en exclusivité, manque de vision et laisse voir les lacunes du candidat septuagénaire.