Le conflit armé qui oppose l’armée fédérale éthiopienne au front de libération des peuples du Tigré(TPLF), depuis le 4 novembre, devient une tragédie régionale aux conséquences  imprévisibles. L’arrivée massive de réfugiés éthiopiens au Soudan (déjà 26000 personnes selon le HCR, au moment où ces lignes sont écrites) est en train de déstabiliser toute la région.

Et celle-ci l’était déjà suffisamment avec le terrorisme des islamistes des Shebbabs somaliens, les conflits récurrents au Soudan, la situation des droits de l’homme explosive en Érythrée, les tensions politiques entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie liées à la mise en service du barrage géant éthiopien sur le Nil etc.

Dans ce contexte, le conflit entre l’armée fédérale éthiopienne et le TPLF pourrait dégénérer très vite, et semble le devenir, avec les tirs de roquette sur Asmara, la capitale de l’Érythrée. Tout laisse croire que ce sont les Tigréens qui sont à la manœuvre pour régler de vieux comptes avec Asmara et l’impliquer dans le conflit.

La situation est d’une redoutable complexité et menace de ramener cette région du continent africain des décennies en arrière, au temps où la famine y sévissait et poussait des millier de personnes à émigrer.

Voire encore plus loin quand les différents Négus éthiopiens  se battaient sans répit contre  populations érythréennes, notamment. Le problème est ethnique et politique et le demeure. Les Tigréens, minoritaires en Éthiopie, tenaient l’essentiel du pouvoir, du fait de leur mainmise sur l’armée fédérale.

L’avènement du premier ministre Abiy Ahmed, membre de la majorité Omoro a rebattu les cartes et les Tigréens ont été, de plus en plus, écartés du centre du pouvoir à Addis Abéba. La fronde actuelle n’est pas étrangère à ce déclassement. Il y a comme une recomposition politique et militaire qui consacre une alliance entre Omoro et Amarha (les deux ethnies largement majoritaires) du pays.

Mais les Tigréens qui ont chassé du pouvoir les marxistes militaires de Menghuistu au début des années 1990 et qui ont régné depuis, jusqu’à l’avènement de Ahmed, il y a deux ans, sont de redoutables combattants et ont du matériel militaire pouvant leur permettre de faire face. Avec au moins 250 000 soldats.

La confrontation pourrait durer et porter un coup terrible à la « renaissance économique éthiopienne ». En effet, depuis une décennie le pays des Négus réalise des taux de croissance à deux chiffres et s’est positionné comme le lieu de référence pour les délocalisations chinoises.

Ce boom économique dans ce pays qui compte plus de 100 millions d’habitants(deuxième pays le plus peuplé d’Afrique ,après le Nigéria qui compte 200 millions d’habitants environ),autorisait tous les espoirs ,en matière de développement  global.

Le conflit en cours pourrait tout remettre en cause. C’est pourquoi les actions de médiation annoncée, comme celle de l’ex-président nigérian Obasanjo, sont à encourager. L’union africaine dont le siège est dans la capitale éthiopienne doit aussi s’engager activement dans la recherche de la paix.

Agir vite pour freiner l’expansion du conflit est une urgence. La communauté internationale, notamment l’union européenne a aussi intérêt à intervenir diplomatiquement. Sinon, pandémie de la Covid ou pas, les flots de réfugiés atteindront la Méditerranée.