L’opération séduction du couple Qatar-Iran sur l’Afrique est enclenchée.

L’Afrique de l’Ouest : cible d’une intense offensive diplomatique

 

Depuis l’époque de Mohammed Reza Pahlavi, dernier Shah, l’Iran entretenait déjà des relations avec l’Afrique. Le premier président sénégalais Léopold Sedar Senghor avait élaboré un grand programme de coopération entre le Sénégal et l’Iran, allant de l’énergie à l’immobilier. Une Cité non loin de Dakar allait être financée par l’Iran et la cité devait porter le nom de la femme du Shah, Mme Farah Pahlavi. La révolution “islamique” conduite par l’Imam Khomeini en 1979 changea complètement la donne. Dès les années 80, le nouveau régime chiite s’est mis à exporter “sa révolution”. L’Afrique est une cible privilégiée. Depuis quelques années, le couple Qatar-Iran développe une stratégie de complémentarité notamment en Afrique de l’Ouest.

Si l’Afrique de l’Ouest a noué des relations diplomatiques et de coopération avec l’Iran depuis l’ère du Shah, force est de reconnaître que le changement du régime iranien depuis les années 80 a complètement bouleversé la nature de ces relations.

Animé d’une idéologie expansionniste qui frise l’impérialisme d’antan, l’Iran des Gardiens de la révolution développe un bellicisme outrancier à l’égard de ses voisins et utilise l’idéologie chiite pour embrigader des jeunes et des femmes d’autres pays et les arme, via son bras armé Hezbollah. Aussi bien au Sénégal, en Sierra Léone et au Liberia, on a signalé la présence d’armes iraniennes, destinées à des mouvements rebelles ou groupes terroristes.

Vers les années 2015-2016, Sheikh Ibrahim Zakzaky, leader du Mouvement islamique nigérian (MIN), toujours en prison, a failli mettre le pays à feu et à sang et continue par l’entremise de sa mouvance chiite, à alimenter des conflits latents sunnites-chiites, jamais connus auparavant. Il fut arrêté par l’armée nigériane, après trois jours de combats sanglants ayant fait plus de 200 morts, selon Human Right Watch.

En février 2011, Dakar avait rompu ses relations avec Téhéran, l’accusant “d’avoir livré de fortes quantités d’armes à la rébellion de la Casamance via la Gambie de Yaya Jammeh“. Après le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, l’Iran fortifie sa petite communauté chiite via des financements de toutes sortes, et ouvre l’Université “Al Mustapha” au cœur de Dakar, un centre culturel très dynamique, sans compter l’usine de montage de véhicule de tourisme (Sen Iran Auto) implantée à Thiès, près de 70 km de la capitale, etc.

Le même activisme est développé dans les autres pays de la sous-région. Pour le Qatar, il suffit de rappeler qu’en décembre 2017, l’Emir du Qatar Sheikh Tamim Hamad Al-Thani a effectué une tournée en Afrique de l’Ouest qui l’a conduit au Sénégal, au Mali, en Guinée Conakry, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Ghana.

Au plan économique, la compagnie aérienne Qatar Airways est très bien positionnée en Afrique de l’Est en reliant la plupart des pays (Soudan, Ouganda, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Tanzanie, Mozambique), tout en n’oubliant pas certains pays clés d’Afrique de l’Ouest tels le Nigeria et l’Afrique du Sud, avec des démarches pour l’ouverture d’une ligne Doha-Dakar-Bamako.

Au plan agricole, les dirigeants qataris voient également l’Afrique comme un territoire capable de leur fournir ce que Doha manque le plus : l’autosuffisance en produits alimentaires. Hassad Food, fondé en 2008 et faisant partie du fonds d’investissement Qatar Investment Authority, a pour objectif d’investir à l’étranger afin d’acquérir des terres agricoles ainsi que des zones d’élevage.

Hassad Food s’intéresse beaucoup à l’Afrique et les différents États du continent rivalisent de stratégies d’approche pour s’arroger les millions de dollars d’investissement potentiels dans le domaine agricole. Il y a eu récemment, la prise de participation de 15 % par Qatar Petroleum dans la filiale de Total en République du Congo.

En décembre 2018, le Qatar a livré 24 véhicules blindés au Mali via trois avions militaires de gros porteurs qataris “pour aider les pays du Sahel à mieux combattre le terrorisme“, dit le communiqué du Ministère Qatari des Affaires étrangères. Pourtant, des informations de source militaire, renseignent que le Qatar finance bel et bien des groupes terroristes dans le Sahel. Néanmoins, Doha comme Téhéran, profitent de la vulnérabilité de ces pays pour étendre leurs tentacules, par tous les moyens possibles. La zone est devenue un véritable enjeu stratégique.

Il est vrai que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes unis ont intensifié depuis lors, leurs coopérations multiformes avec les pays d’Afrique notamment avec ceux d’Afrique de l’Ouest, mais beaucoup reste à faire notamment au niveau de la définition d’un plan stratégique d’intervention, adapté aux besoins et réalités de ces pays.