L’ex-président Laurent Gbagbo n’entend pas faire profil bas et tout sacrifier sur l’autel de la « réconciliation » avec son grand rival, l’actuel président Alassane Ouattara.
Une semaine après l’avoir rencontré au palais présidentiel, il revient à la charge publiquement, sur la question de la libération des « prisonniers politiques » arrêtés les uns depuis la crise de 2010/2011, les autres lors des dernières élections présidentielles de 2020 et d’autres encore, suite à des troubles survenus, il y a quelques semaines, à l’occasion de son retour au pays natal.
Il affirme maintenant que c’est « son combat politique que de les faire libérer ».
Il avait dit à son hôte, Ouattara que, si lui qui était leur chef de file est dehors, il devrait en être de même pour eux.
Il a ajouté que Ouattara lui a dit qu’il allait « tout faire pour les faire libérer », sans aucune promesse ferme.
On peut comprendre la prudence de ce dernier qui doit respecter la séparation des
pouvoirs ; même si les rivaux ont semblé privilégier « la paix sociale par rapport à la justice ». Mais le problème n’est pas aussi simple, tant qu’une loi d’amnistie n’est pas votée.
Ouattara a-t-il intérêt à agir rapidement dans ce sens ? Rien n’est moins sûr !
Car, Gbagbo ne cache pas ses ambitions et ses actes sont bien celui d’un opposant, en apparence modéré, mais qui n’avance plus masqué.
Dans le camp du pouvoir, la méfiance est de rigueur et ce, d’autant plus qu’il y a le silence assourdissant du « Sphinx » de Daoukro, Henri Konan Bédié, qui intrigue.
En effet, Bédié n’est toujours pas vraiment réconcilié avec Ouattara et s’accroche à une reconquête utopique du pouvoir.
Si Gbagbo et lui font la paire, ne serait-ce que pour un moment, de gros nuages noirs vont obscurcir le ciel politique ivoirien.
Le retour de Gbagbo est aussi, de facto, celui des vieux démons d’une opposition politique irréductible.
L’échéance présidentielle de 2025 est certes éloignée ; mais elle fait saliver des dinosaures qui, s’ils sont vivants et en état de se déplacer, ont la liberté de se présenter.
Le cas Gbagbo est encore en suspens, avec sa condamnation à 20 ans de prison, dans l’affaire du casse de la BCEAO.
Sans amnistie, Gbagbo sera out. Il aurait intérêt donc à calmer le jeu.
Pourtant, il agit comme si l’amnistie espérée, est acquise.
Il est vrai qu’une rétractation de Ouattara susciterait des troubles dont les conséquences seraient imprévisibles.
L’horizon politique en Côte d’Ivoire n’est pas encore dégagé et la partie d’échecs à trois entre Ouattara, Bédié et Gbagbo est grosse de toutes sortes d’incertitudes.
Il s’agit, en fait, d’une épreuve de force politique dont l’issue défie la logique. Ressentiments, non-dits et calculs politiciens, rendent difficiles une perception lucide des enjeux.
Le certain est que Gbagbo n’est pas revenu de son exil involontaire pour porter les habits d’un retraité politique effacé.