Le président Alassane Ouattara vient de faire d’une pierre deux coups : claquer la porte au nez de la Cour pénale internationale (CPI) pour se prévaloir d’un patriotisme de bon aloi et surtout éviter d’être obligé d’y envoyer quelques-uns de ses partisans. Ces dernier seraient identifiés dans les enquêtes en cours en Côte d’Ivoire après les massacres post-électoraux de 2010.

Plus d’Ivoiriens à la CPI

Après avoir livré l’ex-président Laurent Gbagbo et son lieutenant Charles Blé Goudé à la CPI, s’en débarassant ainsi à bon compte, il avait déjà refusé de faire subir le même sort à l’ex-première dame Simone Gbagbo qui a finalement été jugée et condamnée en Côte d’Ivoire à 20 ans de prison.

Alors que le procès de l’ex-président ivoirien se déroule à La Haye – siège de la CPI – le président Ouattara saisit l’occasion pour affirmer publiquement qu’il n’y enverra plus d’Ivoiriens. Il ajoute que c’est parce que son pays a maintenant les moyens d’organiser les procès nécessaires avec les garanties qui doivent les accompagner. Auparavant, la Côte d’Ivoire n’était pas prête, selon son actuel dirigeant.

Malheur aux vaincus ?

La CPI est donc priée de tourner ses radars vers d’autres contrées.
L’argumentation aussi solide soit-elle ne peut cependant contredire que la décision du président ivoirien est grosse de calculs politiciens. Les personnalités ciblées dorénavant par la CPI sont des proches et/ou des alliés du RDR et de la coalition au pouvoir. Des figures de proues comme les ex-rebelles, compagnons de route du président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, pourraient être convoquées. Beaucoup d’ONG internationales se sont offusquées du fait que seuls les membres du FPI – le parti de Gbagbo – ont été arrêtés.
Malheur aux vaincus ?

Il y a également le risque politique majeur de déstabiliser le pays si d’aventure on voulait vraiment nettoyer les écuries d’Augias. Dans toutes les guerres, il y a toujours des criminels qui passent entre les mailles du filet, en réussissant à se faire oublier ou à se retrouver du bon côté, celui des vainqueurs.

Les Africains jugés en Afrique : un idéal

Néanmoins Ouattara refuse de dénoncer la CPI en faisant remarquer que l’adhésion de la Côte d’Ivoire a été libre et volontaire. C’est la cas pour tous les pays africains membres qui se sont jetés dans la gueule du loup avant de voir le piège se refermer.
Pourquoi les grands pays comme les Etats Unis, la Russie et la Chine entre autres ont-ils refusé d’être membres ? Les Africains ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes : ils ont signé aveuglément et aujourd’hui s’en mordent les doigts. Mais rien ne les empêche de se retirer ou de fermer la porte comme la Côte d’Ivoire.

L’idéal est que les Africains soient jugés en Afrique avec toutes les garanties requises d’équité. Toutefois étant donné le niveau de corruption qui gangrène le continent et la pauvreté endémique qui l’exacerbe, les conditions minimales de transparence et d’équité pourraient longtemps tarder avant d’être réunies.

Imprescriptibilité des crimes contre l’humanité

La justice est d’abord et avant tout recherche d’équilibre. Elle n’est pas règlement de comptes. Les crimes contre l’humanité sont à juste raison imprescriptibles. Leurs auteurs méritent d’être sanctionnés de manière exemplaire, nonobstant l’existence d’une Cour Pénale Internationale.