L’ex-président burkinabé, Blaise Compaoré va être jugé pour l’assassinat de son prédécesseur, Thomas Sankara, tombé sous les balles d’un commando, en 1987.
Trente quatre ans après donc, un procès aura lieu, pour l’histoire et pour « renforcer » la légende de Sankara qui est devenu une figure mythique dans son pays et dans certains cercles en Afrique.
Cette fois-ci, l’Etat burkinabé cible directement Compaoré qui, depuis sa chute, en 2014, est exilé en Côte d’Ivoire où il a été naturalisé, sa femme étant ivoirienne.
Sa citoyenneté ivoirienne va empêcher toute extradition et le procès ne pourrait être que par contumace.
Les autorités ivoiriennes et les avocats des parties civiles, notamment ceux de la famille de Sankara le savent ; mais cherchent une « revanche sur l’histoire » contre le « traitre Compaoré ».
En vérité, ce procès là,ils l’ont gagné depuis longtemps, car de règne, Compaoré n’a pas réussi, en 27 ans à effacer le souvenir du capitaine Thomas Sankara.
La mort brutale ce jeune putschiste charismatique, naif et ou irréaliste a créé un traumatisme dans un pays où les jeunes étaient séduits par ses discours panafricanistes, provocateurs et, finalement suicidaires.
Le propre des personnages historiques dont l’image de jeunesse, est figée par la mort, pour toujours, est qu’ils deviennent » immortels ».
Comme Ché Guévara, à qui on l’identifie, ou, comme des acteurs et artistes célèbres : James Dean, Gérard Philippe, Bob Marley, etc.
Compaoré n’a pas pu gommer une image que la mort elle-même n’a pu entrainer dans l’abîme du néant.
Et ,voilà que d’outre tombe, le capitaine va savourer une deuxième vengeance, la première étant la chute et la fuite de son tombeur .
Ce procès ne sera ni équitable, ni même porteur de vérité historique, parce que telle n’est pas sa visée.
Nombre de ceux qui devaient y être conviés et/ou convoqués ne sont plus de ce monde et le principal accusé est bien à l’abri en Côte d’Ivoire.
Ce sera donc un moment de gloire post-mortem pour Sankara qui permettra à ses partisans, encore nombreux de savourer sa victoire contre le « traitre » Compaoré.
Pourtant le bilan de Sankara n’est pas exceptionnel, au contraire !
Sa vision politique était étriquée et totalement irréaliste dans le contexte de guerre froide de l’époque.
Les défis qu’il avait lancé à Mitterrand et Houphouët Boigny témoignaient d’une inconscience politique énorme.
Il ne savait pas que ses idées n’avaient aucune chance de s’imposer et que lui-même n’avait pas les moyens de ses bravades.
La témérité n’est pas politique. Elle peut être suicidaire, cependant.
Le procès va cependant doucher les espoirs fous que nourrissait Compaoré de revenir, un jour, au Burkina.
Son exil en Côte d’Ivoire risque d’être perpétuel, une autre façon de mourir.
Mais le Burkina a-t-il intérêt à faire ressurgir les fantômes d’un passé récent ?
Oui, pour qu’une certaine vérité soit révélée sur cette fin tragique dont les séquences restent encore mystérieuses.
Le procès pourrait ainsi devenir une sorte de psychodrame.