Le Benin, pays très politisé et îlot de démocratie en Afrique, a rendez-vous avec son élection présidentielle le 28 février. Deux grandes coalitions viennent de se constituer, l’une autour du candidat du pouvoir en place et l’autre regroupant presque toute l’opposition.

Zinsou, l’homme de la France ?

Le président Yayi Boni écarté par la limitation des mandats à deux ne peut pas briguer un troisième mandat. Il a donc mis en selle son premier ministre Lionel Zinsou pour défendre ses couleurs. Le problème est que Zinsou est un outsider, franco-béninois, économiste réputé, homme compétent mais rejeté par beaucoup de dinosaures de la scène politique nationale.
Il est dépeint comme « l’homme de la France », imposé par Paris et notamment Laurent Fabius, ministre des Affaires Etrangères français. Il est vrai que le Quai d’Orsay bénit la candidature de Zinsou, mais ne s’immisce pas du tout dans les affaires intérieures béninoises, étant bien au fait du nationalisme à fleur de peau des ressortissants de ce pays d’Afrique de l’Ouest, un des pionniers de la « révolution démocratique des années 1990 ».

Coup de maître de Zinsou et Boni face à l’opposition

Toutefois la campagne virulente contre Zinsou « l’intrus » ne fait pas l’unanimité. Pour preuve, le choix spectaculaire du Parti pour le Renouveau du Bénin (PRB) d’Adrien Houngbédji, actuel président de l’Assemblée Nationale, et de la Renaissance du Bénin (RB) de Lehady Vinagnon Soglo de former une coalition baptisée Alliance Républicaine avec le parti du président Yayi Boni, les Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) afin de soutenir la candidature de Zinsou.
Ce coup de maître réussi par Zinsou et son mentor Boni a éclaté comme une bombe politique qui a immédiatement fait réagir les opposants irréductibles du régime. Car sur le papier l’Alliance Républicaine compte plus de 50 députés sur les 83 que l’Assemblée nationale. Les deux formations politiques ralliées – RPB et RB – représentent ensemble 30 % de l’électorat national. D’un point de vue mathématique Lionel Zinsou serait donc en pole position pour le scrutin du 28 février.

Deux grands nouveaux blocs politiques

Mais dès qu’elle a été mise sur pied le 12 Janvier, l’Alliance Républicaine a vu se dresser en face d’elle, trois jours après exactement, une autre coalition regroupant dix partis avec tous les poids lourds de l’oppostion comme Abdoulaye Bio Tchané, Sébastien Ajavon et Patrice Talon, deux hommes d’affaires prospères et sept autres formations politiques. Abdoulaye Bio Tchané a été désigné porte-parole de cette coalition alternative. La scène politique béninoise s’est ainsi divisée en deux grands blocs.

Si pour la première coalition le candidat unique est Lionel Zinsou et qu’un accord de gouvernement est trouvé, pour la seconde rien n’est encore décidé, même si l’éventualité d’une candidature unique n’est pas écartée. Nécessité fait loi et les opposants ont conscience que leur désunion causerait leur perte face à une Alliance Républicaine qui donne tous les gages de compétence, de représentativité et de patriotisme aux citoyens.

Une coalition très surprenante et clivante

En effet cette coalition est très surprenante entre différentes formations politiques qui se sont combattues farouchement ces dernières années.
Adrien Houngbédji a été élu à la présidence de l’Assemblée Nationale grâce à un sursaut de la quasi totalité de l’opposition contre les FCBE. On comprend donc que la volte-face du président du PRD fasse des vagues dans ses propres rangs où des départs sont d’ores et déjà enregistrés.
En ce qui concerne RB, c’est un drame familial qui se joue car les parents de Léhady Soglo se sont démarqués publiquement du choix de leur fils. L’ancien président Nicéphore Soglo et son épouse ont décidé d’appeler à voter contre Zinsou. En réalité tous les adversaires de Yayi Boni refusent de cautionner la candidature de son premier ministre. Albert Tevodjéré, l’octogénaire figure imposante de la vie nationale béninoise, est lui-même sorti de sa retraite pour adouber l’opposition.

Forces en présence et élection à suivre

Le décor est donc planté et la campagne électorale qui bat son plein est d’ores et déjà pleine de rebondissements. La bataille sera sans merci, région par région et au niveau de chaque localité dans la capitale Cotonou.

Lionel Zinsou a fait étalage de son savoir-faire politique en formant l’Alliance Républicaine, retournant ainsi en sa faveur des adversaires politiques redoutables.
Il a désormais de grandes chances de réussir sa « mission impossible » ou à tout le moins de se qualifier pour le second tour.

Abdoulaye Bio Tchané a également tiré son épingle du jeu en se faisant nommer porte-parole par la coalition de dix partis d’opposition. Pourra-t-il transformer l’essai et faire valider une candidature unique qui serait la sienne ? Rien n’est moins sûr.